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Contraception thermique : ça chauffe dans le slip !

Alors que la contraception est longtemps restée à la charge exclusive des femmes, de plus en plus d’hommes s’emparent aujourd’hui du sujet, déterminés à en faire aussi leur affaire. Cas pratique avec le slip chauffant.

Toulouse, début des années 1980. Plusieurs hommes sensibles aux idées féministes se réunissent au sein d’un groupe de parole pour questionner leur rôle « de mecs » dans une société patriarcale. Par souci d’équité, de partage de la charge mentale, physique et financière que représente pour les femmes la contraception, ou tout simplement parce qu’ils ne désirent pas d’enfant, ils planchent sur une technique de contraception dont ils pourraient être les acteurs. Ils inventent alors le remonte-couilles toulousain (RCT), un sous-vêtement qui permet de remonter les testicules au chaud et ainsi, d’être contracepté1.

Quarante ans plus tard, l’idée a fait des petits : de nombreux groupes participent aujourd’hui à faire connaître la technique de la contraception testiculaire thermique. C’est le cas du collectif breton Thomas Bouloù qui a organisé plusieurs Contracep’Tour, mais aussi des permanences et des ateliers de couture pour fabriquer soi-même son « slip chauffant ». Proposer ce type de contraception, c’est partager la contrainte et les responsabilités liées à une sexualité hétérosexuelle, mais cela ne veut pas dire qu’elle porte en elle-même des principes égalitaires, ni qu’elle évacue les rapports de domination. D’ailleurs, si la méthode est simple, la rigueur est de mise : on le sait, en cas d’échec de la contraception, les conséquences sont d’abord lourdes pour les femmes. En parler, c’est donc avant tout élargir le choix, alterner la charge, augmenter l’efficacité.

Fraîchement sortie, la brochure S’occuper de son sperme et être contracepté·e (voir la partie Contacts) du collectif Leslie Bhar, propose un manuel explicatif sur la contraception thermique2, agrémenté de témoignages, de conseils et d’un beau guide de couture pour fabriquer son slip chauffant. On y apprend notamment qu’il suffit de trois élastiques, d’un anneau et d’un peu de volonté pour être contracepté. Alors feu ! Nom d’un slip ! Extraits adaptés. ■


1. Le principe du slip

Pour que la production de spermatozoïdes soit possible, il faut que les testicules se retrouvent à une température plus basse que celle du reste du corps. Leur localisation dans les bourses, un peu à l’extérieur, leur permet de ne pas dépasser 34 °C environ, contre une moyenne de 36,5 °C pour le reste du corps.

En remontant les testicules dans la partie basse de l’abdomen (à l’entrée du canal inguinal) (voir les deux dessins ci-dessous), on parvient ainsi à augmenter la température des testicules d’à peu près 2 °C, ce qui empêche la spermatogenèse (encadré A). C’est pour ça que le remonte-couilles toulousain (RCT) a été inventé : les maintenir au chaud et obtenir un effet contraceptif.

Dessins issus de la brochure Les contraceptions testiculaires, du collectif Thomas Bouloù

Efficacité du slip

Pour que cette méthode soit efficace, il faut porter le slip 15 heures éveillé par jour, et c’est au bout de 3 mois que l’on sait si on est passé sous le seuil de fertilité grâce à un spermogramme (encadré B). S’il y a moins d’un million de spermatozoïdes mobiles par millilitre (ml) dans l’éjaculat (encadré C), la personne peut s’estimer stérile tant qu’elle porte le slip de manière régulière et selon le protocole.

Contre-indications

Il n’est pas recommandé d’utiliser cette méthode chez les hommes qui ont des antécédents d’anomalies de la descente des testicules (cryptorchidie, ectopie) traitées ou non, de hernie inguinale traitée ou non, de cancer du testicule ou d’une varicocèle de grade 3. Par ailleurs, il est recommandé d’attendre que l’organe sexuel ait atteint son développement optimal avant de mettre en place une contraception thermique. Par précaution, l’âge a été fixé à 20 ans.

Effets secondaires

La méthode thermique ne perturbe pas le système hormonal. Ni la libido ni les érections ne sont altérées.

A. La spermatogenèse

C’est le processus de fabrication, maturation et transport des spermatozoïdes dans les organes sexuels correspondants. Elle apparaît la plupart du temps à la puberté et dure couramment toute la vie. Environ 300 millions de spermatozoïdes sont produits chaque jour. Il faut environ 3 mois pour que le spermatozoïde arrive à maturation puis soit évacué par le corps, d’où le temps recommandé de 3 mois de port du slip avant d’espérer être contracepté. La durée de vie d’un spermatozoïde est d’environ 24 h dans le liquide séminal, mais peut atteindre 6 jours à l’intérieur de l’appareil génital féminin.

B. Le spermogramme

Il consiste à éjaculer dans une fiole pour calculer, dans le sperme, le nombre de spermatozoïdes par millilitre ainsi que leur mobilité et leurs formes. En France et en Belgique, cet examen nécessite une prescription d’un.e médecin. Il est en partie remboursé par la Sécu.

C. Le sperme en quelques chiffres

En moyenne, un éjaculat contient de 1,5 à 6 ml de sperme et chaque millilitre comporte de 20 à 200 millions de spermatozoïdes (environ 1 à 2 % du sperme). Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), en dessous de 15 millions/ml, il devient difficile de procréer, mais cela reste possible. Le seuil contraceptif est lui situé à 1 million de spermatozoïdes mobiles/ml.

On passe la verge puis le scrotum dans l’anneau et les testicules remontent dans les canaux inguinaux.

2. La méthode pas à pas

• Réaliser un premier spermogramme avant de porter le remonte-couilles toulousain afin de savoir si tu es fertile (et donc éviter son port si tu es stérile). Ce premier résultat servira de référent pour jauger l’évolution de la contraception dans le futur.

• Il est recommandé de porter le slip 15 heures éveillé par jour. Pour t’habituer, tu peux commencer à le porter quelques heures par jour pour arriver au seuil des 15 heures. Il faut vérifier que les testicules se trouvent au-dessus de l’anneau, à la racine de la verge (voir dessins ci-dessus). Il est important de ne jamais passer en dessous des 14 heures/jour et de rester au plus proche des 15 heures.

• Réaliser un deuxième spermogramme au bout de 3 mois afin de vérifier si tu es contracepté. Si tu es passé sous la barre du million de spermatozoïdes mobiles/ml de sperme, c’est très bon signe (voir encadré C, « Le sperme en quelques chiffres »).

• Refaire un spermogramme trois semaines après pour confirmer les résultats. Si rien n’a changé, tu es contracepté ! Par la suite, il faut continuer à porter le slip 15 heures par jour, et il est conseillé de faire un spermogramme tous les 3 mois pendant un an, histoire qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise.

Attention

Le port du slip pendant 3 mois ne suffit pas à se considérer comme contracepté. Seuls les résultats du spermogramme valent ! Pour bien les interpréter, se rapprocher d’un.e médecin ou d’un groupe référencé (voir Contacts).

Si ça foire...

Si tu n’as pas porté le slip pendant un jour ou plus, il faut alors te considérer comme non contracepté pendant les deux mois qui suivent et il est impératif de refaire un spermogramme à la fin de la période pour vérifier la stérilité. En attendant, utilise un autre contraceptif !

Si tu n’as pas atteint les 15 h / jour ?

Tu peux rattraper les heures manquantes en gardant le RCT au moment de t’endormir. Tu pourras ensuite le retirer pendant la nuit ou le garder jusqu’au réveil. Par contre, ça ne marche pas de le porter un jour pendant 10 heures puis de « rattraper » en le portant 20 heures le jour d’après.

Réversibilité

Pour retrouver une fertilité, il suffit d’arrêter de porter le slip et d’attendre que la spermatogenèse se remette en route. Il faut entre 3 et 9 mois pour revenir à une qualité de spermatozoïdes fécondants sans risque de malformation, et cela se vérifie par un spermogramme. Pour le moment, la réversibilité a été prouvée sur une période de port allant jusqu’à 4 ans.

Cependant, porter le slip 24 h / 24 tous les jours pourrait avoir un impact négatif sur la réversibilité.

3. Contacts

Les groupes qui peuvent accompagner dans la démarche contraceptive et assurent des ateliers de couture :
• Ardecom (Paris) : ardecom[at]bbox.fr
• Garcon (Toulouse) : contact[at]garcon.link
• Thomas Bouloù (Quimper) : thomasboulouetcie[at]riseup.net
• Pour se procurer la brochure S’occuper de son sperme et avoir des conseils ou être redirigé vers d’autres personnes contraceptées habitant près de chez toi, écrire à : leslie-bhar[at]riseup.net
• Il existe aussi une version commercialisée de la méthode thermique, sous forme d’anneau en silicone (Andro-switch) : contact[at]thoreme.fr et thoreme.com


1 Technique qui sera ensuite perfectionnée par le Dr Mieusset (andrologue qui faisait partie de ce groupe) au CHU de Toulouse.

2 L’expression « contraception thermique » est ici préférée à celle de « contraception masculine » d’une part parce qu’il y a @|LIEN1405371|W3BsdXNpZXVycyBtw6l0aG9kZXMtPjM1MDZd|@ de contraception masculine, d’autre part parce que sexe et genre ne sont pas synonymes. On peut avoir des testicules et se sentir femme, et se sentir homme sans en avoir – d’où également l’usage de l’écriture inclusive dans le titre de la brochure.

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CQFD n°205 (janvier 2022)

Dans ce numéro vert de rage, un dossier « Pour en finir avec une écologie sans ennemis ». Mais aussi : une escapade en Bosnie en quête d’étincelles sociales, l’inaction crasse du gouvernement envers les femmes handicapées, l’armée qui s’incruste à l’école, des slips chauffants, des libraires new-yorkais atrabilaires, des mômes qui attaquent Disneyland…

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