« Ce livre se veut comme un prétexte à la rencontre »
« On a voulu écrire un livre d’histoires et non d’Histoire. Il se nomme Constellations, en référence aux étoiles qui, dans la nuit noire, prennent une forme si on les relie entre elles tout en sachant qu’il est possible de dessiner d’autres formes. C’est un ensemble d’histoires de luttes et de vies qu’on a essayé ici de relier. » C’est ainsi que, le 6 mai dernier au soir, le collectif Mauvaise Troupe présente pour la première fois son ouvrage à la librairie parisienne L’Atelier.
Du mouvement anti-CPE à Notre-Dame-des-Landes, des free parties aux potagers collectifs, des occupations aux luttes de sans-papiers, le volumineux Constellations (700 pages !) se découpe en quatre « trajectoires » chronologiques de 1999 à 2013 et huit « constellations » qui traitent pêle-mêle de savoir-faire, d’auto-organisation ou de squats1.
Composée d’une douzaine de personnes, la Mauvaise Troupe a mis plus de deux ans pour construire ce livre – qui se veut avant tout collectif –, réaliser des entretiens (CQFD y est d’ailleurs interviewé dans un passage consacré aux médias libres), rassembler une quarantaine de contributeurs. Dès l’introduction, le collectif se pose la question de la révolution, à la fois si désirable mais si lointaine : « Nous disons “question révolutionnaire” parce que nous nous demandons bien ce que c’est, la révolution. La vieille conception héritière du bolchevisme – la révolution comme prise du pouvoir – est battue en brèche depuis des décennies et n’existe même plus comme pôle de tension. Reste que les façons de déposer le pouvoir sans le prendre sont peu référencées, et que l’imaginaire qui se dessine autour est loin d’être saillant et univoque (disons plutôt qu’il est pâle et divers...). »
La réponse à cette « question révolutionnaire » s’ébauche loin des monolithes dogmatiques, le long des chemins de traverse que trace le livre via la diversité de formes vivantes qu’il propose : échanges épistolaires, extraits de tracts, photographies ou carnets de route. Car, comme l’écrit le collectif, « là où “faire de la politique” rimait jadis avec critique et “engagement”, se font désormais écho des existences prises entièrement dans l’idée de tenir ensemble la lutte et la vie. » Le livre esquisse ainsi des communs là où on ne les attendait pas ou plus. Un entretien avec l’auteur de science-fiction Alain Damasio, affirmant que l’imaginaire « c’est ce qui échappe le plus radicalement possible aux déterminismes qui nous tissent » peut entrer en résonance avec des propos échangés le soir même à la librairie L’Atelier, au moment où la discussion dérive sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : « C’est un espacé libéré mais aussi un espace désirable, et de ce fait contagieux, où se construit une communauté de lutte mais aussi un imaginaire commun, avec notamment la collectivisation des terres qui y est à l’œuvre. »
« Ce livre se veut avant tout comme un geste, un prétexte à la rencontre, pour continuer à écrire ces histoires », insiste un autre membre du collectif. Constellations se termine ainsi par la photo d’une ruelle, le soir du 22 février dernier lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes. On y voit au loin une barricade de fortune depuis laquelle se dessine un chemin sous les pavés. Comme pour mieux nous inviter sur la route de nouvelles étoiles. Comme pour mieux nous convaincre que les meilleures pages de Constellations restent à écrire.
Cet article a été publié dans
CQFD n°122 (mai 2014)
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Paru dans CQFD n°122 (mai 2014)
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Mis en ligne le 20.06.2014
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