Bruno Julliard

Bruno Julliard finira-t-il sénateur de Haute-Loire, conseiller de Ségolène ou directeur marketing des Inrockuptibles ? Dans les AG, les paris étaient ouverts. À Marseille, on le jouait gagnant à trois contre un pour un mandat d’administrateur à Kiloutou, mais la cote peut encore évoluer. Attention cependant : pas de procès d’intention ! Ce n’est pas parce qu’en France le rôle de porte-parole étudiant est le marchepied le plus sûr pour un fauteuil d’élu ou de bouffon du prince que le président de l’Unef va forcément s’engorger dans un double menton de notable socialo. Ce n’est pas parce qu’il a été membre des « jeunesses socialistes » et qu’il fréquente Hollande et Emmanuelli (comme il l’admet dans Le Figaro du 7 mars), ni parce qu’il a une tête de gendre au poil et qu’il cause déjà la langue de bois verni à la cire d’abeille qu’il faut prédire un avenir sordide à ce pauvre garçon. Si ? Allons, halte aux amalgames.

Il y a deux mois encore, personne ne le connaissait. Mais à la faveur de l’explosion anti-CPE, l’apparatchik du « principal syndicat étudiant » a été bombardé en première ligne. Ça ne rate jamais : les médias veulent un « porte-parole » pour « représenter » les foules rangées à bonne distance derrière lui. Bruno ne les a pas déçus. Le 31 janvier il était sur France 3 chez Ockrent, le 7 février sur LCI, le 8 au forum web du Nouvel Obs, le 27 dans Libération, le 16 mars sur France Inter puis chez Chabot sur France 2, le 17 sur RMC, le 24 chez Ardisson, le 25 sur France Info, le 27 sur Europe 1, le 31 sur RTL puis au JT de TF1, le 1er avril chez Pascale Clark sur Canal +, le 9 chez Schneiderman… Même Duhamel et Bigard ne font pas aussi bien. Les médias adorent Julliard, il cause comme eux. Convenable, sympa, sachant se tenir à table. Que les organes de presse qui l’invitent soient les principaux vecteurs idéologiques de la précarité (lire ci-contre), qu’ils biberonnent aux mêmes mamelles que les recruteurs d’employés-kleenex, qu’au fond ils constituent une cible au moins aussi légitime que le CPE, tout ça n’est pas un problème pour Bruno Julliard, ni pour l’Unef. Peut-être y a-t-il là un bon critère pour évaluer le muscle d’une organisation qui se veut contestataire : sa capacité ou non à réfléchir au bon usage des médias, s’il faut leur parler, si oui à qui, quand, comment et à quelles conditions. Pourquoi par exemple ne pas conditionner sa prestation télé à la garantie que l’on s’en servira pour placer un laïus sur la presse et ses bourrages de crânes anti-grévistes ? Pourquoi ne pas se payer le luxe aussi d’envoyer ces guignols se faire voir ? Au lieu de ça, le Julliard court les plateaux pour l’ouvrir au nom de ceux qui ne lui ont rien demandé tout en fermant le bec sur ses convives. La plupart des AG s’organisent sans leaders ni syndicats ? La base se passe souvent très bien de l’Unef ? M’en fous, c’est tout pour ma gueule !

D’ailleurs, cette manie de dire « je » toutes les trois phrases… T’es un porte-parole, oui ou non ? Alors tu dois dire : « mon orga pense que… », « les copains qui m’ont mandaté veulent que… » Faute de quoi on lit dans les journaux : « Héraut de la bataille contre le CPE, le jeune homme a réussi à faire défiler derrière une même banderole représentants de salariés et de la jeunesse. » (Le Monde, 06/03/06) Trop balèze ! Toul seul le bonhomme a réussi à faire descendre trois millions de gus dans la rue ! Le Monde n’ayant pas publié de rectificatif, on suppose que cette information n’a pas gêné le jeune homme. Alors on pose la question : sachant que David Assouline (porte-parole étudiant de 1986) est aujourd’hui sénateur de Paris et qu’Isabelle Thomas (autre porte-parole de 1986) est devenue ensuite conseillère à l’Élysée, que sera Bruno Julliard dans vingt ans ?

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Paru dans CQFD n°33 (avril 2006)
Dans la rubrique Faux amis

Mis en ligne le 24.06.2006