Brèves du 99
Troufion de la tête > Les 31 mars et 1 avril derniers, lors d’un colloque organisé à Marseille sur « La guerre d’Algérie cinquante ans après », l’inénarrable Bernard-Henri Lévy (BHL) a comparé le Conseil national de transition (CNT) libyen au Front de libération national (FLN) algérien. Les mauvaises langues diront que c’était l’occasion pour BHL de s’identifier aux intellectuels français qui, en 1960, signaient le « Manifeste des 121 ». Dans ce texte, les plus célèbres représentants de l’intelligentsia française – Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Maurice Nadeau etc. – appelaient au « droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». En 1960, cent vingt et un intellos s’affichaient contre la boucherie colonialiste. En 2011, un philosophe de laverie attisait un casse-pipe néocolonial. Cherchez l’erreur.
Érika pinaille > Souvenez-vous de l’Érika, ce pétrolier décati qui, en 1999, déversa trente mille tonnes de fioul lourd sur quatre cents kilomètres de côtes en Bretagne et en Pays de Loire. Éh bien, la cour de cassation pourrait annuler la procédure judiciaire à l’encontre de Total si elle en venait à suivre les recommandations de son avocat général. Pour ce pinailleur, l’Érika a coulé en dehors des eaux territoriales et, par voie de conséquence, le naufrage ne relèverait pas du droit français, mais de celui de Malte – puisque le pétrolier battait pavillon maltais. Contredisant ainsi les arrêtés du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de Paris, qui avaient considéré que les côtes noircies de pétrole constituaient, en soi, une infraction. Si la cour de Cass’ blanchit Total, il faudra faire subir au pinailleur le supplice du goudron et des plumes sur un bateau nord-coréen au large des eaux territoriales.
Émeute de founes > Longue vie aux nanas encagoulées du groupe punk Pussy Riot, de Saint-Petersbourg, qui ont célébré, le 8 mars, un concert sauvage dans la cathédrale Saint-Sauveur de Moscou en priant « sainte Merde » de bien vouloir chasser Poutine. Nadezhda Tolokonnikova, Marina Alyokhina et Yekaterina Samutsevich, soupçonnées d’avoir participé à cette salutaire opération, sont actuellement emprisonnées et risquent jusqu’à sept ans de taule. Nos amitiés toutes solidaires.
Le juge s’excuse > Lundi 26 mars a eu lieu à Lyon le procès dit « des étudiants contre le Leader Price » – cf. rebellyon.info. Cette filiale du groupe Casino avait porté plainte pour « vol en réunion avec violence » suite à une opération d’auto-réduction – tu viens, tu prends, tu pars – organisée pendant le mouvement de grève universitaire contre la loi LRU, en 2007. Les cinq inculpés, arrêtés quatre heures après les faits lors de l’évacuation de la fac par des robocops, ont toujours nié les faits. Après une longue instruction – la police scientifique a recherché des empreintes digitales sur les plaquettes de beurre et géolocalisé les téléphones portables –, aucun élément sérieux n’a pu mettre en cause les amateurs présumés de coquillettes discount. Ils ont donc été relaxés avec, en prime, les excuses du magistrat « au nom de l’institution judiciaire ». Hé, m’sieur le juge, pour solde de tout compte, on pourrait avoir du râpé, sur nos nouilles ?
Projet intellectuel > Après ses prouesses dans l’affaire de Tarnac et les cordons de protection mis en place autour de Carla Bruni, voilà que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) vient de mettre la main sur un méchant groupe d’islamistes. Ils avaient des armes inutilisables de collectionneurs chez eux. De plus, en grignotant, peut-être, des pistaches iraniennes (gaffe !), ils auraient blagué en parlant d’enlever un magistrat. Paraît même qu’ils en riaient jusqu’à ce qu’à six heures du mat’ des condés revêtus du niqab réglementaire défoncent leur porte. « On a affaire à un projet intellectuel », a dit, le 4 avril, le magistrat chargé du dossier, avant d’enchrister les barbus. Mais la chasse n’est pas finie : les fins limiers pourraient maintenant se pencher sur d’autres « projets intellectuels » concernant notamment des crocs de boucher. Quant aux intentions belliqueuses et hautement « intellectuelles » qu’échangent certains automobilistes, des opérations sont en cours.
Occitanie antifasciste > Samedi 31 mars, trente mille personnes manifestaient à Toulouse en faveur de la langue et de la culture occitanes. Des militants d’extrême droite se revendiquant d’une « culture régionale, nationale et européenne » (sic) se sont fait refouler. Que le Bloc identitaire essaye d’intégrer la culture occitane à son idéologie raciste est vu à juste titre comme une insulte au paratge e convivéncia des anciens troubadours. Mais en soirée, les Identitaires ont fait irruption dans le quartier populaire d’Arnaud-Bernard en arborant le salut nazi. S’en est suivie une baston au cours de laquelle un étudiant chilien a eu le malheur de croiser les fafs. Dans le coma, son pronostic vital ne semble plus engagé. On espère qu’il se remettra vite sur pied et que Toulouse, ville imprégnée de l’histoire des antifascistes espagnols, se débarrassera vite de cette gangrène.
Cet article a été publié dans
CQFD n°99 (avril 2012)
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Paru dans CQFD n°99 (avril 2012)
Dans la rubrique En bref
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Mis en ligne le 14.04.2012
Dans CQFD n°99 (avril 2012)
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