Brèves du 106
Chars et charia > Aux cris de « Le peuple veut la chute du régime », « Les Frères musulmans sont des menteurs », « Morsi, nouveau pharaon », sans oublier l’inépuisable « Dégage ! », les dizaines de milliers de manifestants égyptiens, qui dénonçaient la politique autoritaire du président Mohamed Morsi, ont réussi à ne le faire reculer que sur le décret qui devait lui accorder des pouvoirs exceptionnels. Pour autant, il a maintenu le référendum destiné à islamiser la constitution tout en redonnant des pouvoirs de police à l’armée, au risque d’encourager les soldats à d’éventuelles fraternisations avec les contestataires. Une situation qui confirme ce qu’on savait déjà : en Égypte comme en Tunisie, les islamistes sont des faux frères.
Cocorico latéral > Israël et la France se font la guerre sur le marché mondial de la défense, où leurs ventes d’armement se talonnent de peu. Pour l’année 2011, l’hexagone conserve, avec ses 6,5 milliards d’euros d’armes vendues – soit une progression de 27% – sa quatrième place mondiale (loin) derrière les USA, la Russie et le Royaume-Uni. L’État hébreu, lui, arrive vaillamment à la cinquième place, notamment grâce à son savoir-faire en matière de drones. Une saine concurrence, « libre et non faussée », qui ne laissera pas de marbre les populations survivant sous les bombes.
Feu de Bengale > L’incendie de l’usine textile Tazreen Fashion, le 24 novembre au Bangladesh, a causé la mort de cent onze travailleurs. En cause, des normes de sécurité piétinées : un bâtiment de sept étages conçu pour n’en soutenir que trois, des issues de secours en cul-de-sac, etc. La Clean Clothes Campaign estime que plus de sept cents esclaves de ces sweatshops (« usines à sueur ») ont péri dans les flammes depuis 2006. Outre des indemnisations, les ouvriers exigent que les dirigeants soient jugés. Jets de pierres, barricades, bagarres avec la police : la capitale bengalaise vit depuis au rythme d’affrontements quotidiens. Wal-Mart, Carrefour, Disney et autres firmes gourmandes en fringues made in Bangladesh ont décliné toute responsabilité : il ne s’agirait que de regrettables catastrophes dont sont coutumières ces contrées arriérées…
Productivité > Les spermatozoïdes des Français sont au plus bas. Alors qu’en 1989 leur concentration était de 73,6 millions/ml, elle vient de tomber à 49,9 millions. Encore un secteur d’activité où le ministère du Redressement productif se révèle impuissant.
Toujours à l’ombre > Georges Ibrahim Abdallah reste enchristé à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), malgré une décision favorable du tribunal d’application des peines. Le parquet a encore fait appel, alors que sa peine de sûreté prenait fin en 1999. Arrêté en 1984, ce militant libanais du Front populaire de libération de la Palestine a été condamné à perpétuité pour son implication dans l’assassinat de deux diplomates américain et israélien. « L’État français, qu’il soit gouverné par la “gauche” comme par la droite, resterait-t-il inflexible dans son acharnement à punir ce militant révolutionnaire, parce que celui-ci ose résister depuis plus de 28 ans en prison, en gardant intacts ses convictions politiques et son engagement solidaire aux côtés des peuples en lutte ? », se demande son comité de soutien. Réponse le 14 janvier 2013, quand l’appel du militant sera examiné.
Deux biscuits de trop > Joël, 49 ans, dont une trentaine comme chauffeur de nuit pour Intermarché dans le Tarn-et-Garonne, s’est fait virer, sans préavis ni indemnité, un mois avant Noël. Sa faute ? Avoir mangé deux biscuits récupérés dans un paquet destiné à la benne. Après que ses collègues ont cessé de bosser pendant une journée, l’employé coupable a accepté la proposition de la direction : 20 000 euros d’indemnité en échange de sa promesse de ne pas aller aux prud’hommes – le directeur se retranchant confortablement derrière l’application du règlement intérieur. Joël peut s’estimer heureux. 20 000 euros… De quoi s’acheter quantités de biscuits qu’il grignotera sur le trottoir après avoir vendu sa maison.
Ardoise radioactive > Le 4 décembre, la facture concernant la construction du réacteur EPR à Flamanville (Manche) passait des 3,5 milliards d’euros initiaux à 8,5. Dans la foulée, le groupe italien de production d’énergie ENEL décidait de se retirer du projet et réclamait à EDF le remboursement des 613 millions d’euros déjà investis dans l’affaire. Néanmoins, ce n’est pas parce que la même personne, Luc Oursel, est à la fois président du directoire d’Aréva et de la Société française d’énergie nucléaire qu’il ne faut pas croire la déclaration, le même jour, de cette dernière : « Le nucléaire reste l’énergie la moins chère. » Manière de laisser entendre que le pire reste à venir ?
Rien n’est joué > Lors des soulèvements arabes, les contempteurs occidentaux avaient crié au loup islamiste. Et c’est avec gourmandise qu’ils s’étaient alors gargarisés de l’exactitude de leur prophétie d’un « hiver islamiste ». « Tout ça pour ça », disaient-ils ; « Tout continue », dirions-nous. En effet, les barbus sont, en Égypte et en Tunisie, de plus en plus critiqués et combattus. À Ismaïlia, Suez, Port Saïd et au Caire, mais aussi à Tajerouine, à 200 kilomètres au sud-ouest de Tunis, les locaux des partis islamistes au pouvoir ont été attaqués. À Sidi Bouzid, des manifestants défilent contre Ennahda, et depuis plusieurs semaines, le gouvernorat de Siliana est en état de quasi-insurrection, pendant que le syndicat UGTT lance des appels à la grève générale. Faut que ça dégage !
Liquidités / liquidation > Après Mario Draghi, nommé à la tête de la Banque centrale européenne, Mario Monti, désigné comme premier ministre italien ou Lucas Papadermos comme premier ministre grec, ainsi que quelques autres, c’est encore un ancien de la banque de destruction massive Goldman Sachs, Mark Carney, qui a été parachuté récemment au poste de gouverneur de la Banque d’Angleterre. On se souvient de la fameuse sortie de Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman Sachs, qui se vantait de « faire le travail de Dieu ». Après plus de dix ans de super-pouvoirs métastatiques qui ont contribué à jeter des millions de personnes à la rue, Dieu, camouflé derrière le mythe de « la main invisible du marché », continue visiblement à disséminer ces légions d’archanges au cœur des cercles dirigeants européen. Archanges ou chevaliers de l’Apocalypse ?
Cet article a été publié dans
CQFD n°106 (décembre 2012)
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Paru dans CQFD n°106 (décembre 2012)
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Mis en ligne le 17.12.2012
Dans CQFD n°106 (décembre 2012)
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