Retour sur Bloquons tout
Bloc parti
Dès la semaine précédant le 10 septembre, une affiche commence à circuler en ligne. Son mot d’ordre est simple : « Bloque tout », et quatre points de rendez-vous sont fixés dans Marseille, dispersant ainsi (un peu) les forces de police. Les cibles exactes, elles, restent mystérieuses. L’appel est lancé pour 6 heures 30. La porte d’Aix, une place proche de la gare et de centres commerciaux, voit ainsi se rejoindre quelques-uns des éléments de cette France qui se lève tôt, celle des honnêtes gens.
Masse uniforme de k-ways noirs, peut-être 200, ils se dirigent vers l’autoroute. Proche de la gare Saint-Charles et de centres commerciaux, elle fait partie des quatre lieux de rassemblement annoncés. Entre cent et trois cents personnes, à vue d’œil, car les k-ways noirs uniformes et « les individus extrêmement mobiles » ne facilitent pas le recensement. Ensemble, ils se dirigent vers l’autoroute. L’objectif de la matinée : ralentir les flux de travailleur·euses et la circulation pour perturber la bonne marche du capital.
Appel public oblige, les policiers, qui disposent eux aussi d’une connexion internet et d’accès aux messageries Telegram et Signal, sont présents en nombre. Alors, après un coup de gaz lacrymogène bien senti, le « bloc noir » change de cible. Direction le périphérique cette fois. Sitôt le barrage installé, l’arrivée des cognes disperse tout le monde. Qu’à cela ne tienne, c’est maintenant la tour CMA-CGM, bureau de l’empire Rodolphe Saadé, qui est prise d’assaut. Une poignée de cadres en costards sera obligée de faire demi-tour devant le cortège, quelque peu effrayant vu de l’extérieur, il faut bien le reconnaître. Mais là encore, ça ne tient pas plus de cinq minutes.
S’ensuit une longue errance sans but précis, qui un vélo sur les voies de tram, qui une poubelle au milieu d’une route relativement peu empruntée, et dont le caractère déambulatoire semble constituer l’objectif en soi de cette manifestation sauvage. Au final, malgré une débauche d’énergie importante de la part des militant·es en amont et durant l’action, il n’est pas exagéré de qualifier la gêne occasionnée pour le capital de dérisoire. Et ce constat semble pouvoir être généralisé au reste du territoire français : dans l’ensemble, les blocages n’ont pas tenu bien longtemps. Leurs théâtres d’opérations, les routes, ont vu se croiser sans se mélanger des manifestants en noir de la tête aux pieds et des personnes se rendant au travail, pour beaucoup appartenant aux classes laborieuses. Le décalage entre les deux groupes aux intérêts objectivement communs se faisait ressentir. Il force à s’interroger sur ces modalités d’action. Dans des moments que l’on ne peut pas franchement qualifier de préinsurrectionnels, sont-ils vraiment le meilleur moyen de faire basculer le rapport de force en notre faveur ?
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Cet article a été publié dans
CQFD n°245 (octobre 2025)
Ce numéro d’octobre revient, dans un grand dossier spécial, sur le mouvement Bloquons tout et les différentes mobilisations du mois de septembre. Reportages dans les manifestations, sur les piquets de grève, et analyses des moyens d’actions. Le sociologue Nicolas Framont et l’homme politique Olivier Besancenot nous livrent également leur vision de la lutte. Hors dossier, on débunk le discours autour de la dette française, on rencontre les soignant•es en grève de la prison des Baumettes et une journaliste-chômeuse nous raconte les dernières inventions pétées de France Travail.
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Paru dans CQFD n°245 (octobre 2025)
Dans la rubrique Le dossier
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Mis en ligne le 03.10.2025
Dans CQFD n°245 (octobre 2025)
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