Nos mômes ont peur, certains en meurent

Collectif Angles morts, «  Delta, Charlie, Delta » – La Relaxe programmée des policiers responsables de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, Angles morts, 2015. Extrait.

La peur suscitée par les policiers aurait en effet dû être au cœur du procès  : elle explique non seulement la fuite des adolescents mais aussi la violence des opérations que mènent les policiers dans les quartiers populaires. Cette peur a pourtant été constamment évoquée par les différents adolescents poursuivis par les policiers le 27 octobre 2005 [jour de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré sur un site EDF de Clichy-sous-Bois après une course-poursuite engagée par la police].

A. V., âgé de 16 ans lors des faits, déclare ainsi au juge d’instruction : “On a fui par peur de la police.

  • Et habituellement, vous courez quand vous voyez un policier ?
  • Oui, chaque fois que je vois un policier, je cours.

A. C. confirme  : “Les policiers sont venus nous chercher, on avait peur. J’ai couru parce que j’ai vu les autres courir.” Un habitant du quartier explicitait, dès 2005, les raisons de cette peur : “Les policiers viennent du Raincy ou de Livry, là où il y a des Français. Quand ils viennent ici, ils nous disent  : ‘Mets-toi contre la voiture, bouffon’ et après ils disent que c’est nous, les malpolis. Même si on n’a rien, ni rien fait, ils nous traitent de ‘petits pédés’. »

À Rennes, c’est aussi la peur qu’a invoquée Muhittin pour expliquer la fuite du 27 octobre : “Je ne savais pas ce que je faisais car j’avais très peur. […] Les policiers m’ont dit que j’avais essayé de voler quelque chose. Je leur ai dit que non, je leur ai dit que je n’avais rien fait. J’ai fui par peur.” Lorsque Zyed, Bouna et lui s’approchent du portail principal du site EDF pour en sortir, il se souvient  : “On a entendu le frein à main de la voiture qui allait vraiment très vite. On avait très peur, on ne savait pas quoi faire.

A la question du président, “La peur, c’est dans votre esprit à vous ou c’est le résultat d’une discussion avec Zyed et Bouna ?”, Muhittin répond : “On avait tous très peur, c’est tout. Je me suis retourné et on n’était plus que trois.” Et lorsque le président lui demande de préciser leur trajet exact, il déclare : “C’est la peur. C’est comme maintenant, là je suis devant vous et j’ai peur, monsieur le président. Donc des fois, je ne sais plus. Je n’avais pas envie de m’arrêter et de tout prendre pour les autres, de me faire tabasser ou je sais pas. […] J’avais peur depuis le début, je ne savais pas quoi faire. Il y avait les panneaux. Je m’imaginais bien que c’était dangereux. J’avais peur de tout prendre, même si j’avais rien fait. Quand vous vous faites arrêter par la police et que vous êtes le seul arrêté, on vous met tout sur le dos.”

Depuis, Muhittin a eu d’autres occasions d’avoir affaire aux forces de l’ordre, et ses peurs ont été confirmées  : “Je me suis fait tabasser par la police plusieurs fois, pendant un simple contrôle.” »

Brochure disponible en téléchargement sur le site BBoykonsian.

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Paru dans CQFD n°138 (décembre 2015)
Dans la rubrique Morceaux volés

Dans la rubrique Vies de minots

Mis en ligne le 21.08.2018