Dossier : Rumeurs de Guerre

BHL : En Libye, « J’ai intérêt à ne pas m’être trompé ».

Quand on fait la guerre, on n’a pas le temps de réfléchir. Sauf si on s’appelle Bernard-Henri Lévy (BHL). Le 20 mars 2011, alors que l’intervention militaire en Libye vient d’être lancée, le plus germanopratin des philosophes français prend tout de même le temps de « quelques réflexions » qu’il confie page 133 de son livre La Guerre sans l’aimer (Grasset, 2011)  : « Pour la première fois, la guerre, la vraie et, si j’ose dire, la guerre vraiment. Jusqu’ici, je plaidais pour. J’appelais à. Je m’indignais contre les pacifistes, les pétainistes, les salauds qui pensent qu’un petit fascisme vaut toujours mieux qu’une grosse guerre. Mais je ne prenais pas tellement de risque car je savais qu’à la fin des fins, le pacifisme aurait toujours le dernier mot […]. Là, ce n’est plus le cas. Là, la guerre a vraiment lieu. Et j’ai intérêt à ne pas m’être trompé. » Arf. Cette guerre, il l’a appelée de ses vœux, il a milité ardemment auprès du président Nicolas Sarkozy pour que – une partie de – la « communauté internationale » intervienne militairement. Il a obtenu gain de cause  : la résolution 1973 de l’ONU adoptée le 17 mars 2011 a « autorisé les États Membres […] à prendre toutes mesures nécessaires […] pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque » par les forces de Mouammar Kadhafi. Bilan  : ce dernier a été lynché le 20 octobre de la même année. Dictateur  : 0 – Philosophie  : 1.

Et ? Et quatre ans plus tard, la Libye vit dans le chaos. Parmi les opposants à Kadhafi rencontrés par BHL en 2011, nombreux sont actuellement chefs de milices. Leurs hommes, enfouraillés comme des porte-avions, jouent allégrement du fusil mitrailleur pour d’obscures luttes de pouvoir. La situation est telle que, en 2014, le gouvernement libyen a dû abandonner Tripoli pour se réfugier à Tobrouk. Depuis, le groupe État Islamique a fait son apparition, et assassiné 21 chrétiens coptes égyptiens en janvier dernier. Au Caire, le président al-Sissi a même « appelé les Européens à finir leur mission en Libye ». V’la l’bordel.

En avril 2011, Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, déclarait à CQFD  : « Entrer en guerre contre le régime libyen, c’est prendre le risque de déclencher une réaction en chaîne. L’armement déployé par la coalition, dorénavant dirigée par l’Otan, permet de marquer des points. Mais remporter quelques batailles militaires ne fait pas une victoire politique. Cela ne garantit ni la stabilité du pays, ni l’endiguement de la violence. »

BHL avait « intérêt à ne pas [s]’être trompé ». Rony Brauman, lui, était en plein dans le vrai.

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