Euromed dévore Marseille
Un urbanisme de destruction massive
Le méga chantier euromed, qui concerne plus de 30 000 Marseillais, est composé de deux périmètres. Le premier, de 310 hectares, a été circonscrit dès 1995 par une Opération d’intérêt national. Le second, de 170 hectares, en est une extension décrétée en 2007 qui, entre 2011 et 2030, va plonger ses grosses pattes au cœur des quartiers Nord. Pour cela, la puissance publique se met en quatre pour séduire les investisseurs : les plans promettent espaces publics remodelés, parkings, tramway, écoles, bibliothèques, parcs… La Ville bradera son parc immobilier et accompagnera l’opération de montages médiatiques tel « Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture ». Au quartier d’affaires de 600 000 mètres carrés de la première tranche s’ajouteront bientôt 500 000 mètres carrés de bureaux sur Euromed II. On prétend attirer des activités économiques high-tech et changer l’image de la ville pour « réaffirmer son positionnement sur le marché national et international ». En finir avec l’image de ville pauvre est un objectif cher à la municipalité Gaudin, dont la politique de « reconquête » avance délibérément contre les pratiques, usages et commerces des différentes communautés. Rationalité, ordre, esthétique, sécurité sont les principes d’un projet immobilier qui contribue à une production urbaine très éloignée de la réalité locale : on insère dans les quartiers des îlots résidentiels visant une clientèle aux revenus bien supérieurs à ceux des populations existantes.
Pourquoi, alors que les milliers de bureaux déjà construits peinent à trouver acquéreur et que les quartiers résidentiels n’attirent pas foule, Euromed poursuit-il sa fuite en avant ? Parce que si cette mutation urbaine et sociale prenait – ce qui est loin d’être gagné –, le nouveau territoire convoité pourrait s’avérer bien plus juteux pour les investisseurs qu’Euromed I : alors que Bouygues, Nexity, Constructa et consorts n’ont pu croquer qu’un tiers du premier périmètre, Euromed II livre la quasi-totalité des 170 hectares de l’extension à l’appétit des promoteurs, notamment grâce à une population à la densité et à la capacité de résistance supposées plus faibles… Il ne s’agit pourtant pas ici d’une friche, mais d’un quartier bruissant de la vie de ses 3 000 habitants. Lieu de convivialité et de travail, le marché aux puces – alimentaire, textile et articles de maison –, troisième centre commercial de la ville irriguant l’ensemble des quartiers Nord, est devenu en vingt ans un symbole puissant de l’ingéniosité populaire. Aux Crottes (du provençal « crotos », « cavités ») sont installées des activités d’import-export en lien avec le port, ainsi que des grossistes en fournitures pour le BTP, et un secteur automobile florissant composé d’une myriade de garages et autres casses. Avec ses 700 entreprises et ses 5 000 emplois, le quartier est, au même titre que la vallée de l’Huveaune, l’un des principaux centres économiques de la ville. Cette zone au foncier bon marché et bien desservie par deux autoroutes est même stratégique pour le port, par le biais d’entreprises lui permettant « d’accrocher » la marchandise à terre. Bien sûr, avec un habitat délabré et des espaces publics inexistants, il devient de plus en plus difficile de vivre dans un quartier abandonné par les pouvoirs publics depuis plus de vingt ans. L’organisation des transports en commun entretient une coupure entre les quartiers Nord et le reste de la ville confinant à l’apartheid. Mais l’identité industrielle du quartier a maintenu des loyers raisonnables, permettant à une population précaire de vivre à proximité immédiate du centre. Ce foncier peu onéreux constitue aussi le point d’ancrage d’activités liées à un port au destin fragile.
Pourtant, au lieu d’améliorer la coexistence de ces activités avec les riverains, d’enrichir avec eux et pour eux leur cadre de vie, d’aider le port à redresser la barre, Euromed préfère la politique de la table rase et déclenche une véritable guerre contre la réalité des quartiers. Au nom de la sécurité et de l’hygiène, on lâche aujourd’hui la police contre la vente « à la sauvette », contre les Roms, contre les sans-papiers, afin de mettre au pas, de diviser les communautés et pour, surtout, asphyxier le quartier. L’objectif est de libérer deux millions de mètres carrés en rachetant au prix du marché des terrains qu’on prévoit de revendre cinq fois plus cher. Cette spéculation éhontée, au prix de la relégation en périphérie des activités et des habitants actuels, a pour but d’implanter un quartier résidentiel écologique et un parc de bureaux de plus de 500 000 mètres carrés. Pour changer radicalement l’image du territoire, les grands moyens seront employés : transfert d’une gare de fret, dépollution des terrains, recouvrement d’une partie de l’autoroute, construction d’un parc de quatorze hectares, d’un « pôle multimodal », d’équipements métropolitains et, en front de mer, des tours conçues par des architectes de renom… Exit le marché aux puces et son réseau d’entraide populaire : un plus chic « marché des cinq continents » prendra sa place entre hôtels de luxe et un palais des congrès destiné à accueillir meetings de chefs d’entreprises et pompeuses manifestations culturelles.
Se gaver sur le dos des pauvres, les déplacer impunément par expulsion pure et simple ou par augmentation des loyers… Détruire le tissu social existant et jouir du territoire à sa guise, au bénéfice d’investisseurs que l’on attire en bradant la ville… Attirer les classes montantes en leur faisant miroiter via des images de synthèse un quartier prêt à consommer… Voilà le vrai visage d’Euromed.
Peuple de Marseille, réveille-toi et gronde !
Voir aussi « On n’est pas des euromerdes ! ».
Cet article a été publié dans
CQFD n°93 (octobre 2011)
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Paru dans CQFD n°93 (octobre 2011)
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Mis en ligne le 12.12.2011
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12 décembre 2011, 20:15, par Crapaud Rouge
Mais c’est Euromerde, ce truc !
6 janvier 2013, 19:12, par André SCANGA
EUROMED : Allons-y pour l’année 2013 avec le Collectif des Quartiers Nord de Marseille et le Collectif On se Laisse pas Faire - 13015 Marseille -
13 décembre 2011, 15:04, par Tina
Tant que le peuple ne comprendra pas qu’il faut tout bloquer pour mettre à bas le système capitaliste qui nous exploite, ils continueront à nous affamer.
6 janvier 2012, 19:45, par yul
Bonjour CQFD,
Serait-il possible de publier cet article sur notre blog ? :
http://laboratoireurbanismeinsurrec...
Grand merci pour vos articles, Grand merci à votre équipe...
yul
akorsyul@gmail.com
27 février 2012, 10:30, par Un partageux
Quand on sait la quantité invraisemblable d’invendus à Marseille, que ce soit en bureaux ou en logements, continuer à bâtir à tout va laisse rêveur ! Pas sûr que les grandes entreprises y trouvent les juteux profits espérés... Le capitalisme sait être aussi déraisonnable avec le bâtiment qu’avec le virtuel comme Facebook et autres mirages de la toile. De temps à autre, la remise à zéro des compteurs est douloureuse. Certains perdront beaucoup d’argent et on s’en tamponne : on ne s’inquiète que pour tous ceux qui vont être virés de chez eux. Les oubliés sont même le sujet exclusif de ma maison : http://partageux.blogspot.com
1er avril 2012, 19:33, par DEDOU15
Le Collectif "On se laisse pas faire" à Marseille Nord (13015) commence à batailler pour que soit reconnue la nocivité du projet Euromediterranée - EUROMED 2 - En lien avec le Collectif des Quartiers Nord de Marseille, il essaie d’informer la population en prenant pour exemple EUROMED 1 - Rue de la République - Mais il manque des bras pour agir et des têtes pour penser ! Malgré tout, les deux Collectifs ne désespèrent pas d’arriver à un résultat, sinon en cette année 2012, peut-être dans les années à venir ! DEDOU15, retraité agissant à titre d’administrateur bénévole du Collectif des Quartiers Nord de Marseille / http://candidat13provencenord.over-...
21 septembre 2012, 16:46, par DEDOU de Marseille 15
Marseille / Vendredi 21 septembre 2012 /
Le Collectif On se Laisse pas Faire et le Collectif des Quartiers Nord de Marseille se mettent en colère contre les agissements de l’opérateur public EUROMED ! Dans le cadre de la rénovation - restructuration urbaine, des vieux immeubles sont détruits afin d’édifier de nouveaux ensembles de logements et bureaux.
Ce que nous pouvons approuver dans une situation d’éradication de l’habitat insalubre.
Toutefois, nous voulons que les actions entreprises soient en concertation avec les habitants et leurs organisations associatives ou autres ! Nous allons tenir une réunion le 26 / 09 / 2012 afin de déterminer sous quelles formes nous allons pouvoir riposter dans les semaines et mois à venir. André du Collectif des Quartiers Nord de Marseille / Union Syndicale des Retraités CGT / -
15 novembre 2012, 21:18, par DEDOU de Marseille 15
Sommes-nous à un tournant des actions associatives à Marseille ?
Dans mes différents billets d’information et d’échanges avec mes correspondants, je disais que si nous restons isolés les uns aux autres, nous avons de grandes difficultés à mobiliser et à sensibiliser la population, que cela soit à Marseille ou en d’autres villes.
En d’autres termes, nous avons l’obligation de fédérer les Comités, Collectifs, Associations et Organisations engagées dans la bataille du Cadre de Vie en général, en particulier la situation des personnes en mal de logement décent et un habitat urbain en conformité avec les exigences de notre époque.
Petit à petit, malgré les divergences d’actions et de points de vue stratégique, le Collectif On se Laisse pas Faire et le Collectif des Quartiers Nord de Marseille finissent par intéresser d’autres acteurs.
Le samedi 17 novembre 2012 a lieu à Marseille un rassemblement à 16 heures devant le siège de Marseille Rénovation Urbaine (face à l’ancienne Poste Colbert) -
Initiative dans le cadre du Collectif Inter Quartiers de la Ville de Marseille, avec le slogan " Stop au mépris, reprenons la parole " !
Le but est de dénoncer, non pas la rénovation urbaine en tant que telle, puisque nos quartiers sont comme nous, ils vieillissent, mais bien la façon dont les autorités veulent rénover et construire !
Si cela entraîne de fortes augmentations de loyers, taxes et autres dépenses obligatoires, le petit peuple ne pourra pas suivre. D’autre part, nous demandons MOINS de bureaux, PLUS de logements à loyers accessibles pour les ’petites bourses " et aussi des transports urbains pour tous !
6 janvier 2013, 18:59, par André SCANGA
Le Collectif On se Laisse pas Faire et le Collectif des Quartiers Nord de Marseille souhaitent à toutes et tous une Bonne Année 2013, malgré les annonces plutôt grises (et même plus) faites par le Président HOLLANDE et son Premier ministre !
Comme en 2012, cette Année nouvelle s’inscrit dans la poursuite de l’examen du " gros dossier " EUROMED - Trop de points d’interrogation, trop de zones d’ombre, trop d’incertitudes !
Nous aurons l’occasion d’en reparler après la première réunion de secteur !
2013 / 01 / 07