« Fédération des chasseurs, bonjour »
Prédatrice, de grand-mère en petite-fille
« J’ai entendu un coup de feu mais j’ai pas entendu la mort. » Banal coup de fil entre une grand-mère et sa petite-fille. La première est en pleine chasse aux sangliers. La deuxième n’en perd pas une miette et enregistre tout : les conversations, les balades en forêt, les conseils pratiques. Les deux habitent la Creuse. Et la plus jeune a décidé de passer outre ses doutes. « Manipuler du gibier à peine mort, fréquenter des personnes souvent infréquentables, être une femme au milieu de tant de mâles » : elle embrasse désormais à fond la tradition familiale. Quand elle passe le permis, sa propre fille l’aide même à réviser la théorie – façon code de la route. « Ce faisan s’est levé sur mon terrain de chasse, il paît sur la propriété voisine. Je tire ou pas ? » Le tout est drôle et bien réalisé. On la suit dans l’obtention du sésame, ses premières sorties et les moments de transmission à haute valeur symbolique – ainsi du fusil récupéré chez le grand-père violent il y a des décennies.
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Devant un sujet si hautement inflammable, Sonia Cabrita, la réalisatrice du docu sonore Le Sang de Ginette, met en avant la connaissance de la nature et l’empowerment acquis – « T’es pas moins prédisposée que les autres à le faire. » On est loin d’une représentation vote facho et gâchette facile qui sied habituellement à la pratique. Mais son documentaire radiophonique n’élude pas les cas de conscience : l’élan qui pousse à tuer et le plaisir de porter une arme. « Ça y est j’ai un fusil, je me sens plus, ça me donne envie de me venger. » Il rappelle aussi l’importance sociale de cette pratique, de la « fédé » aux sorties dominicales : mieux vaut ne pas refuser une première invitation à chasser en groupe. « Tu sais, on est assez susceptible, nous, le monde chasseur », dixit la grand-mère. Sans être un manifeste pro-chasse, Le Sang de Ginette introduit un peu de complexité et d’intimité dans des débats souvent binaires et reste, avant tout, l’histoire d’une transmission familiale et féminine. La grand-mère, encore : « Tu sais, c’est toujours une biche qui mène la harde de cerfs. »
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Le Sang de Ginette, documentaire sonore de Sonia Cabrita à écouter sur le Soundcloud de So Rita, ici.
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Cet article a été publié dans
CQFD n°212 (septembre 2022)
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Paru dans CQFD n°212 (septembre 2022)
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Mis en ligne le 30.09.2022
Dans CQFD n°212 (septembre 2022)
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