Les brèves du 95

« Décroissance et aides sociales » > On a enfin trouvé les responsables du déséquilibre des finances publiques. Qui ? Ceux qui reçoivent quelques tunes des allocations familiales, bien sûr ! François Fillon l’a affirmé le 7 novembre : « Les prestations sociales (prestations familiales et aides au logement) seront revalorisées de 1 % de manière forfaitaire, c’est-à-dire le niveau de la croissance prévue. » Jusqu’alors, elles étaient indexées sur l’inflation, qui est d’environ 2,3 % par an. Mais le Premier ministre s’est montré rassurant : cette mesure sera limitée à une seule et unique année, et devrait faire économiser à l’État 400 millions en 2012, et 500 millions en 2013 (sic !)… Voilà qui est rassurant. D’autant que, selon La Tribune du 7 décembre, nombre d’experts économiques prévoient un taux de croissance très faible pour l’année prochaine, voire une récession. Bientôt des allocs décroissantes !

Aveugle justice > Le 5 décembre 2004, Abou Bakari Tandia, Malien de 38 ans, est interpellé par la police et conduit au commissariat de Courbevoie (Hauts-de-Seine). Pendant la nuit, il est amené dans le coma à l’hôpital de Colombes. Il y décédera le 24 janvier 2005. Les gardiens de la paix affirment qu’il s’est volontairement cogné la tête contre le mur de sa cellule. Une première enquête démontre que les policiers ont menti, et que Bakari Tandia a subi des violences. Une contre-expertise demandée par le juge confirme ces résultats. Une seconde contre-expertise reconfirme. Mais, après sept ans d’instruction, la procédure progresse ! Les policiers du commissariat vont être entendus non pas en tant que mis en examen mais sous le statut de témoins assistés… Pauvres agents, toujours en première ligne !

Experts au placard > Les deux chercheurs de l’Administration pénitentiaire venant de publier un rapport sur la récidive ne doivent pas satisfaire l’administration qui les emploie. Selon leur étude, 63 % des détenus ayant purgé l’intégralité de leur peine remettent le couvert dans les cinq ans suivant leur libération. 55 % de ceux qui portent un bracelet électronique replongent au bout de quelque temps. Quant aux libérés conditionnels et ceux bénéficiant d’une peine alternative, ils sont seulement 39 et 45 % à reprendre le collier. Cette expertise démentant « l’efficacité » de l’emprisonnement n’aura pas, pourtant, découragé le gouvernement. Ce dernier a confirmé le 23 novembre la construction de 25 000 places de prison à l’horizon 2017. En cumulant la création de vingt-cinq centres fermés pour les mineurs et de trois autres destinés à « évaluer » le condamné, l’opération coûtera la bagatelle de trois milliards d’euros… Heureusement que c’est la crise, et la dette, et l’austérité, et gnagnagna…

« Danièle Mitterrand est morte » > Encore ?!

« Oracles » > Jean-Pierre Mustier, patron de la banque italienne Unicredit (dix milliards d’euros de perte) et ex-patron du trader-looser Jérôme Kerviel, est en grande forme. Lors d’un colloque réuni à l’École des Mines, le 30 novembre, il a livré ses observations sur les temps que nous traversons : « Les bonus, c’est bien gentil, mais je crois que vous ne vous rendez pas compte que d’ici deux jours, ou une semaine, notre monde pourrait disparaître. […] Nous sommes tout près d’une grande révolution sociale. » Pour confirmer ses prévisions, il est allé chercher Michael Milken, le banquier inventeur des « obligations pourries » et condamné à dix ans de prison par la justice américaine. Voilà des gens qui, en contact étroit avec les fondamentaux de l’activité bancaire, savent clairement de quoi ils parlent.

« Calme plat » > Salariés des usines Mc Cain, postiers, agents locaux de la SNCF, personnels d’hôpitaux, de services sociaux et de Pôle emploi, chauffeurs routiers, employés de grandes surfaces, pompistes de stations-service… Cette fin d’année aura été marquée par une multitude de grèves et de manifestations contre des fermetures de sites, pour des augmentations de salaires, des suppressions d’heures supplémentaires obligatoires et, parfois, l’éviction de patrons aux comportements abusifs… Point d’orgue de ces mouvements diffus, le 7 décembre, plusieurs milliers de sidérurgistes du groupe Arcelor ont fait grève sur tous les sites européens de l’entreprise. Curieux ! Par les temps qui courent, tout laissait penser que la seule agitation existante était celle qui secoue la Phynance.

« Plus belle la vie » > Marseille est affligée d’un mal profond : les CIQ. Ces Comités d’intérêt de quartier sont, depuis les années Defferre, les courroies de transmission naturelles du pouvoir municipal. Composés en majorité de petits commerçants anxieux et de retraités aigris, les CIQ sont à la démocratie ce que la fanfare militaire est à la musique pour paraphraser Groucho Marx. Réuni le 9 décembre dernier, le CIQ du centre-ville a beaucoup parlé de sécurité en présence de responsables policiers et du maire de secteur, le pagnolesque Patrick Mennucci. À une question sur la violation de la vie privée que pourrait constituer le titanesque projet d’installation de mille caméras, la plupart juchées sur des mâts en face des immeubles d’habitation, l’élu PS a courageusement annoncé que les personnes concernées pourront s’adresser à une commission d’éthique… pour consulter les images de leur cuisine ou de leur chambre à coucher. À Marseille, la réalité a toujours dépassé la fiction.

« Et pour finir, un supervirus ! » > Une équipe du centre de recherche Erasmus de Rotterdam remet en cause la recherche scientifique en appliquant le questionnement religieux d’Érasme à la science moderne : la contradiction entre le message libérateur de la science et la troublante barbarie de sa mise en pratique. Bossant sur la mutation du virus H5N1 pour essayer d’anticiper sa transmissibilité de l’animal à l’homme, ces petits malins ont créé un supervirus. Celui-ci réunit le potentiel mortel du virus H5N1 et la contagion de la grippe saisonnière, affolant la communauté scientifique et l’agence de biosécurité américaine. Ces joyeux chercheurs nous prouvent encore une fois la puissance catastrophique de leur travail. Rappelons qu’en 1936, un chercheur britannique avait contracté la grippe suite aux éternuements répétés d’un furet sur lequel il menait des expériences. Amis chercheurs, merci de nous prouver que la science nous détruira tous.

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Paru dans CQFD n°95 (décembre 2011)
Par L’équipe de CQFD
Mis en ligne le 17.12.2011