On ne dissout pas un soulèvement

Le doigt dans l’œil de l’antiterrorisme

Le 20 juin, la sous-direction antiterroriste a mené une deuxième vague d’arrestations dans tout le pays, toujours pour la même enquête concernant le sabotage de l’usine Lafarge en décembre 2022. Récit d’arrestation depuis la Meuse.
Dessin de Tommy

« Si j’avais su que c’étaient les flics, j’aurais fermé la porte à clé. — Mais non, ils te l’auraient détruite. Et là, ils ont au moins eu la présence d’esprit d’essayer la clenche avant de tout défoncer. » Gilles* n’a pas vraiment le cœur à rire, même si c’est sa spécialité. Il commence pourtant à avoir l’habitude des vagues d’arrestations de militant·es et de la répression hors norme : il est installé en Meuse depuis une dizaine d’années ; y a débarqué pour lutter contre le projet de poubelle nucléaire Cigeo, à Bure. Mais là, dans le cadre de la dissolution des Soulèvements de la Terre (SLT), la répression est montée d’un cran.

Le mardi 20 juin au matin, il s’est retrouvé plaqué au sol en caleçon, menotté, avec un fusil d’assaut de la brigade antiterroriste de la gendarmerie nationale braqué sur la tempe. Manon et Loïc, installés dans une cabane au fond du jardin de Gilles, ont subi le même sort. Une trentaine de robocops ont embarqué Loïc vers une gendarmerie assez éloignée, pendant que des dizaines d’autres stationnaient devant plusieurs lieux de lutte collectifs autour de Bure, pour inciter les militant·es à se tenir tranquilles. Loïc a ensuite été transféré à la maison d’arrêt de Poitiers-Vivonne (Vienne).

Que reproche-t-on à ce maraîcher et employé d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)1 ? « D’avoir participé aux deux manifestations contre la construction des mégabassines à Sainte-Soline les 29 octobre 2022 et 25 mars 2023, d’avoir tagué une camionnette de gendarmerie, et d’avoir tenu dans ses mains un gilet de gendarme », répondent ses avocats, interloqués face à l’ampleur de la répression des militant·es écologistes depuis que Macron est au pouvoir. Circonstances aggravantes aux yeux des pandores : Loïc a participé à toutes les manifestations contre la réforme des retraites, il alimenterait le média indépendant et engagé Le Pavé lorrain, et serait proche des SLT et du Bloc lorrain – deux organisations que Darmanin vient de dissoudre coup sur coup2. Loïc a été placé en détention provisoire jeudi 29 juin après avoir refusé la procédure de comparution immédiate. Son procès aura lieu le 27 juillet. Il risque jusqu’à sept ans de prison3. Un épisode de plus dans la longue série des violences qui visent celles et ceux qui luttent contre la destruction du vivant et s’opposent à la catastrophe écologique et sociale en cours. De quoi se décourager ? Loin s’en faut, à en croire les soutiens de Loïc : « Ils se mettent le doigt dans l’œil s’ils pensent ça ! »

Par Kevin Grillo et Sébastien Bonetti

* Prénom modifié

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Cet article a été publié dans

CQFD n°222 (juillet-août-septembre 2023)

Le dossier du mois n’est pas vraiment un dossier, plutôt une respiration estivale dans la grisaille sociale, à base de jeux de bon aloi, type « carte anti-touristique de Marseille » ou grand test « quel type de gentrificateur êtes-vous ». Du costaud pour frimer sur la plage. Pour le reste, on y cause étincelles & émeutes, Soulèvements de la terre en Maurienne, répression pseudo-anti-terroriste, mysticisme techno-sécuritaire ou chevauchées de Makhno. Du rire et des larmes de rage, quoi, au dosage millimétré.

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