L’édito du 178

Lard du lapsus

« C’est une réforme résolument tournée vers le travail, vers l’emploi, contre le chômage et pour la précarité… euh, contre la précarité, pardon. » Qu’il était mignon, le lapsus de Muriel Pénicaud le 18 juin dernier ! Car les ordonnances que prépare la ministre du Travail vont nécessairement mettre sur la paille des foules de chômeurs. Mesure la plus emblématique : pour ouvrir des droits, il fallait avoir cotisé quatre mois sur les vingt-huit derniers. Désormais, ce sera six mois sur les vingt-quatre derniers. Bien d’autres infamies se cachent dans le projet de l’ancienne DRH de Danone : même la CFDT le trouve « monstrueux », c’est dire !

L’éditocrate Christophe Barbier, qui rêve que les gens crèvent la dalle au point d’accepter n’importe quel labeur dégradant, devrait jubiler. Même pas : « Je crains que ça ne soit pas assez efficace, car ce n’est pas assez violent, tout simplement. » Et le pantin de préciser : « En France [...] on considère que le droit au travail, c’est le droit de choisir son travail. C’est pour ça qu’on n’arrive pas à régler ce problème du chômage de masse. » D’où la pertinente question posée sur Twitter par l’aminche Olivier Cyran : est-ce le système qui n’est pas assez violent avec les chômeurs, ou les chômeurs qui ne sont assez violents avec Christophe Barbier ?

Si on analyse l’affaire en termes budgétaires, l’équation est simple : Macron et consorts veulent économiser quelque 3 milliards d’euros sur le dos des chômeurs. Les refileraient-ils aux services d’urgence des hôpitaux en sous-effectif chronique ? Non, pour les urgentistes, il n’y aura que 70 millions d’euros, et en bonus les gendarmes qui débarquent en pleine nuit chez les infirmières pour les réquisitionner. Dans le même temps, on trouve 1,5 milliard d’euros pour ressusciter le service national et faire brailler La Marseillaise à des mômes en uniforme. Les champions qui nous gouvernent prévoient également de dégager près de 8 milliards d’euros pour exonérer de taxe d’habitation… les 20 % les plus riches. C’est Bernard Arnault qui sera ravi : en ce radieux mois de juin, il est devenu le premier Français à dépasser les 100 milliards d’euros de fortune – cocorico !

Alors que dire, que faire, à quel saint se vouer ? On ne voit plus trop. Enfin, si, il y a peut-être ce talentueux tribun… Au Forum de Davos, le 11 juin, il prononçait ces jolis mots : « Quelque chose ne fonctionne plus dans ce capitalisme qui profite de plus en plus à quelques-uns. Je ne veux plus que nous considérions que le sujet d’ajustement économique et de la dette prévaut sur les droits sociaux. » Bien dit, camarade. Enfin, camarade… Qui donc a prononcé ces lucides paroles ? La réincarnation de Pierre Kropotkine ? L’hologramme de Louise Michel ? Que nenni. Le révolutionnaire en question, c’est notre révéré président de la République... Le gars ne se contente pas de te faire les poches, mais t’explique ensuite, toute honte bue, que les pickpockets sont des salauds.

L’avantage : l’entourloupe est tellement grossière qu’elle finira bien par se retourner contre lui, bim, dans sa face. C’est tout le bien qu’on lui souhaite.

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