L’édito du n°214

La France apeure

Quand Hanouna, les fafs et toutes les hyènes de France et de Navarre surfent sur un fait divers sordide pour leurs tambouilles nauséabondes, on se dit qu’on vit dans un bien beau pays.

«  Pour moi, c’est procès immédiat. En quelques heures... Et puis terminé, c’est perpétuité directe. »

Le 14 octobre dernier, une adolescente est assassinée à Paris. Quelques jours plus tard, l’animateur Cyril Hanouna consacre à l’affaire une édition spéciale de son émission sur C8. Devant un parterre d’invités et de chroniqueurs complices, il se lâche : « Pour moi, [la personne accusée] n’a pas le droit à la défense.  » Les petits vieux fachos n’ont qu’à bien se tenir au bout de leur comptoir. Car l’audience a dépassé ce soir-là les 2 millions de personnes – un record que monsieur nouilles dans le slip a d’ailleurs fêté le lendemain en direct avec le patron de sa chaîne, cotillons et danseuses brésiliennes. Les drames humains ça fait vendre, mon con, la décence c’est pour les losers.

Galopant après ce fait divers, les charognards ont chassé en meute. Ainsi de l’extrême droite qui, dès qu’est révélée la nationalité (algérienne) de la personne soupçonnée du crime, par ailleurs soumise à une OQTF (Obligation de quitter le territoire français), sort la carte toujours payante de la xénophobie. Si les parents de la victime refusent toute récupération politique, les fafs s’en tamponnent et se rassemblent à Paris, Rennes et Lyon, aux cris de « Migrants, assassins ! » et « On est chez nous ! »1 Une « influenceuse » d’extrême droite résume sur TikTok : « Je pense pas que [les parents de la victime] puissent se permettre d’ouvrir leur gueule. Oui, certes, c’est leur fille qui est morte mais va faire ton deuil, nous on s’occupe de protéger vos enfants. »

Après les écrans télé et la rue, la gerbe se répand sur les bancs de l’Assemblée, entre Nicolas Dupont-Aignan qui dénonce le «  silence abject de Macron » et son collègue député LR Éric Pauget qui martèle : « L’expulsion des délinquants étrangers doit être automatique. » Et la vague continue de grossir, notamment sur les réseaux où des comptes de plus en plus nombreux affichent en profil une photo de l’adolescente, sur fond de racisme décomplexé et d’appels au rétablissement de la peine de mort.

Un fait divers sordide récupéré politiquement, ça n’a rien de nouveau. Mais on voit ici parfaitement comment les réseaux sociaux fournissent une caisse de résonance. Dupont Lajoie a muté. Au lieu de la gueule franchouillarde de Jean Carmet dans le film d’Yves Boisset, il arbore maintenant un avatar « DédéPatrioteDu54 » ou « Josiane13AntiIslam », avec lequel il ou elle retweete Hanouna et Zemmour.

Plus que jamais, le ressentiment social se retourne contre les dominés. Les cibles ne manquent pas, des personnes psychiatrisées aux sans-papiers. Et ce sont bien médias et politiques qui nourrissent cette escalade, exploitant les drames pour vendre leur camelote. Aux sacs à morve au pouvoir, l’assassinat de la jeune fille aurait pu suggérer de s’intéresser au criant manque de moyens de la psychiatrie en France – la principale suspecte, une SDF manifestement en souffrance psy, n’ayant jamais été prise en charge. Mais non : cette raclure de Darmanin a préféré nourrir la meute en déclarant le 27 octobre qu’il faudrait « rendre impossible la vie des OQTF en France ».

Aujourd’hui sur vos écrans : le grand cycle de la haine, directement du producteur au consommateur, avant énième recyclage.

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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CQFD n°214 (novembre 2022)

Dans ce numéro empli de gestes techniques incroyables, un dossier sur le foot business et ses contraires : « On rêvait d’un autre foot ». Mais aussi : la grève des raffineries, le procès-bâillon de BFM TV contre le journaliste Samuel Gontier, un reportage à Lampedusa, un entretien avec le réalisateur Alain Cavalier, un point sur l’extrême droite israélienne... En enfin : un appel à soutien où l’on fait la lumière sur les comptes du journal et les mirifiques salaires de ses rares employés rémunérés…

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