Frappe préventive

par Caroline Sury

Ces nanas ont du cran, les 343 qui ont signé le manifeste « Je déclare avoir été violée ». Le Nouvel Observateur – qui, soit dit en passant, adore diffuser sur son site des photos de femmes les seins à l’air… – l’a publié le 21 novembre dernier et en profite pour faire sa pub. Mais ça n’a pas non plus fait beaucoup de buzz, comme on dit à Paris. Faut dire que c’est un peu de mauvais goût, un peu choquant, ce genre de déclaration. Le but était de montrer à quel point le viol est courant, et de faire « changer la honte de camp ».

Pourtant, je me dis que si c’est important de pouvoir parler du viol – être reçue correctement au commissariat, être considérée comme une victime et non comme une hystérique revancharde, que le chemin en justice ne soit plus l’enfer pour les femmes agressées –, il reste un domaine à explorer : la prévention. Plutôt que d’aider seulement les femmes APRÈS le viol, aidons-nous AVANT, en nous donnant des armes : l’auto-défense.

La bible en ce domaine est le livre d’Irène Zeilinger, Non c’est non1 . On sort de sa lecture rassurée sur ses capacités à défendre son corps et son intégrité morale en général – ce qui est utile en toutes circonstances, et pas qu’aux femmes : pour les salariés humiliés, les homos insultés, etc. Les stratégies les plus efficaces sont celles auxquelles les femmes ne sont pas éduquées : impolitesse, colère – et surtout ne pas se sentir obligée de sourire gentiment !

Certaines associations se sont montées pour donner des cours afin de « diminuer la vulnérabilité des femmes, de cultiver le sentiment de calme, de liberté et de confiance en soi », comme le déclare l’une d’elles sur son site. Mais elles ne sont pas courantes en France. Quelque chose résiste, alors que leur mission est vraiment d’utilité publique… Pour l’heure, il y a une association à Toulouse (Faire face), une autre à Lyon (Autodéfense), et surtout la « maison mère » en Belgique (Garance). L’autodéfense est d’abord verbale. Apprendre à dire « Non », en somme. Ensuite, il y a des techniques de défense physique, taper dans les couilles n’est pas forcément la plus fiable, les bonnes cibles sont plutôt les yeux, les tempes, les genoux, et notre va-tout : courir vite en hurlant dans un endroit fréquenté. Mais ce n’est qu’un résumé barbare de techniques plus globales de ce qui s’appelle en bon français « l’empowerment ».

Avec 75 000 viols par an, il serait temps de proposer des formations dans les lycées. Mais cela heurte les consciences : quoi, apprendre aux femmes à se défendre ? On préfère les consoler après une agression, c’est plus conforme à nos mentalités. Les rendre autonomes et sûres d’elles ? Les mecs ont intérêt à les protéger, c’est encore le meilleur moyen de se croire supérieurs à elles. Leur permettre de s’affranchir de la tutelle du père, du mari, comme des peurs ancestrales du type « Ne te promène pas seule dans la rue » ? Mais alors, on ne pourra plus s’en servir comme d’un cheptel disponible à nos désirs de domination… Vraiment de mauvais goût, je vous dis.


1 Le livre Non c’est non est intégralement consultable en ligne : en tapant Zone-lyber sur un moteur de recherche, vous tomberez inévitablement dessus.

Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
2 commentaires
  • 30 janvier 2013, 17:30

    là d’ou je viens on savait dire non ,va te faire anculé, mais ça n’a rien à voir et ton dernier paragraphe me fait penser à ces livres à emporter de "je pense vite", tu glisses l’air de rien une analyse qui n’est qu’un crachat de plus qui pousse souvent à se taire. C’est vrai la prévention c’est bien, le respect de soi c’est bien,apprendre à se battre ç’est bien mais ton dernier paragraphe ce n’est camouflé, sous un discours bien rodé, qu’une insulte de plus cachée sous un discours progréssiste qui renvoie à la double peine coupable d’être coupablement victime pas à la mode. Dans mes souvenirs consolateurs il y avait ce groupe de femmes canadiennes et il me semble que pour leur championne de dan urbain et non pas d’éducation guerrière ça n’a rien changé non plus. Parce qu’il y a tout ceux qui se passent en silence dans des liens que visiblement tu veux méconnaitre et qui représente les 3/4 des 75000 viols par an. moins péremptoire, plus modeste, plus respectueux ca te ferai pas de mal , ah et j’ajoute contrairement au mensonge que tu écris personne ne s’excuse et personne ne te console aucune virilité ne se penche sur ton vagin détruit dans la forme que tu décris. Car ceux et celles trés râres qui te tendent la main ne sont pas comme ça, ceux et celles que tu décris veulent justes qu’on se taise

  • 31 janvier 2013, 07:32, par gisele

    que faire contre cette horreur, quand on sait que les coups vont suivre si c ’est non , ou bien le chantage psy quand l’ autre vous menace de vous enlever vos enfants , la chair de votre chair , ou encore de vous faire interner , car c ’est VOUS la coupable et que vous êtes malade !! avec en prime la sodomie systématique afin de bien humilier ...et les humiliations verbales qui ne se comptent pas au quotidien, de préférence en présence de tiers !!! c ’est vivre dans un cauchemar éveillé dans une vie de couple ; et quand vous avez été victime à 3 reprises de tentative de viol par d ’autres tarés avant l’ union fatale, puis mariée de force car enceinte de votre futur mari ; Comment vivre si ce n’ est de demander le divorce au bout de 19 ans et bien entendu recevoir des coups parce que on a osé s’ échapper ; Femmes jeunes , vieilles , après avoir touché le fond , remontez vite si vous ne voulez pas mourir !

Paru dans CQFD n°106 (décembre 2012)
Dans la rubrique Casse noisettes

Par Casse-noisette
Illustré par Caroline Sury

Mis en ligne le 30.01.2013