Le sexe anal, c’est génial

Et si on allait tous bien se faire enculer ?

Dans leur toute fraîche BD L’Homme pénétré, Martin Py et Zoé Redondo parlent des plaisirs du sexe anal chez les hommes hétéros pour mieux libérer nos sexualités. Ou quand, à trop se regarder le nombril, on en oublie son anus.
Martin Py et Zoé Redondo / La Boite à Bulles

Et si tous les hommes hétéro osaient imaginer une seconde ouvrir leur cœur cul ? Passons outre les préjugés et inhibitions de rigueur (un homme, un vrai, qui se fait pénétrer ? « C’est sale », « Il est gay », « C’est rabaissant », « La sodo c’est pour la meuf ») ; imaginons simplement. Ne serait-ce pas une révolution ? Martin Py et Zoé Redondo, qui viennent de publier L’Homme pénétré – Repenser notre intimité (La Boîte à bulles, janvier 2023), pensent que si1 ! Pour eux, la pénétration anale est une porte d’entrée, pas seulement vers des plaisirs insoupçonnés, mais bien vers une remise en question profondément politique de nos sexualités et des rapports de genre. L’occasion rêvée d’entamer le patriarcat en explorant de nombreuses zones érogènes étouffées par les normes de virilité.

Drôle, didactique et sourcée, la BD est nourrie des témoignages de quatre personnages inspirés d’individus réels, pas toujours d’accord entre eux. Johakim, macho impulsif, se questionne sur sa tendance à vouloir dominer l’autre et sa peur de tout ce qui pourrait remettre en danger sa virilité hétéro. Gaëtan, chrétien évangéliste curieux, affirme qu’« on peut être un homme, aimer les femmes et aimer se faire prendre ». Alissa, féministe engagée, raconte les violences sexistes du quotidien et sa lutte pour se réapproprier son corps. Elle « rêve d’un monde où les hommes se feraient autant pénétrer que les femmes ! » Merwan, homosexuel introverti, se fait violence pendant des années pour correspondre à ce qu’on attend de lui, avant de comprendre que sa sexualité ne s’articulait pas autour de la pénétration. Tout en évitant de tomber dans l’injonction au plaisir sexuel, le sujet est abordé avec empathie, sans autre objectif que de donner aux lecteurs de quoi se respecter eux et les autres, et sans faire l’impasse sur la violence des normes que nous subissons.

Plus de 150 pages au cours desquelles il est question de culte du pénis et de la pénétration, de virilité toxique, de clitoris, de secret de la prostate, de consentement, de culture du viol, de communication, de sexe verbal, d’agressions, d’éducation sexuelle féministe, de patriarcat et – surtout – de nombreux conseils pratiques. Mais l’aventure est semée d’embûches, tabous, clichés et peurs étant profondément ancrés. Sans compter le très classique handicap communicationnel des mecs. Pour qui a le courage (et le bonheur) de s’y lancer, cette BD est une alliée de poids. Osons nous laisser aller à des pratiques libérées !

Par Jonas Schnyder

1 Les auteur·ices expliquent que leur propos concerne avant tout la France en 2019, et que toutes les personnes interviewées dans le cadre de leur étude sont de jeunes adultes, blancs, cisgenres et valides. D’autres travaux de recherche sur d’autres profils et parcours de vie sont à venir.

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Cet article a été publié dans

CQFD n°225 (décembre 2023)

Dans ce numéro de décembre, on essaie de faire entendre des voix Palestiennes tout en s’interrogeant sur l’information en temps de guerre. Sinon, on donne des nouvelles des anarchistes ukrainiens, on suit aussi des familles roms installées à Marseille et qui trimballent leurs vies d’expulsion en expulsion, on s’interroge sur l’internet militant, on décortique la loi Immigration du grand méchant fourbe Darmanin et on regarde BFM dans un kebab de Morlaix, munis d’un sac à vomi.

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