Radio indé, radio fauchée

Des pépettes pour Radio Galère

SOS ! Radio Galère, radio libre de Marseille, a besoin de renouveler son matos pour continuer à diffuser sur les ondes des voix trop souvent invisibilisées. Face à l’augmentation de ses charges et la baisse de ses subventions, l’association lance un appel aux dons.
Djaber

« Au début, on a commencé avec des tables de mixage pourries. Quand ça pétait, on ne travaillait pas pendant des mois  », se rappelle Kamar Idir, journaliste arrivé à Radio Galère en 1994. 30 ans plus tard, l’enjeu est terriblement actuel. Radio Galère, radio libre, non commerciale, indépendante et (surtout) marseillaise est… en galère. Jamais d’inspi ou d’énergie, mais de thunes à cause de charges toujours plus importantes et de subventions qui se font rares. Elle lance pour la première fois un appel aux dons pour remettre à neuf son matos, et pouvoir continuer la diffusion d’une parole alternative dans un paysage médiatique largement acquis aux mains des milliardaires.

Des dons pour du bon son

Au premier étage de la Friche, situés dans le quartier de la Belle de Mai, les locaux de Radio Galère s’ouvrent sur une grande vitre au milieu d’un mur orange vif. Au travers, on aperçoit la régie et ses mille boutons de mixage et, au-delà d’une seconde vitre, son bien-aimé studio d’enregistrement. Le petit lampion rouge « On Air », allumé lorsqu’on est à l’antenne, se balance au-dessus d’une grande table à micros et casques où bénévoles, intervenant·es et salarié·es échangent et débattent. Créée en 1982, la radio « donne la parole à ceux qui ne l’ont pas », résume Louise, une salariée. Avec 89 émissions1 à son actif, musicales comme informationnelles, toutes guidées par « l’antifascisme, l’antiracisme, le féminisme et l’interculturalité », la programmation est variée. Tout est rendu possible grâce à près de 150 bénévoles. Tout le monde peut y débarquer pour proposer une émission et, si elle est validée par le conseil d’administration, être accompagné·e et formé·e aux savoir-faire de la radio. L’association emmène aussi son studio mobile partout dans la ville pour soutenir les dynamiques locales et donner la parole à ses habitant·es. « On a des ateliers pour les enfants, les jeunes, dans des ESAT2 et aussi dans des centres d’addictologie » raconte Louise. Mais pour que tout ce petit monde puisse continuer à être diffusé, il faut du matériel. Si ce n’est dernier cri, au moins en bon état. Sauf qu’à Radio Galère, tout est sacrément usé, à l’image de l’immense table de mixage, rafistolée au chatterton. En racheter une ? 5000 patates qu’elle n’a pas.

Caisses vides, manches relevées

Voilà déjà plusieurs années que Radio Galère doit s’accommoder d’une baisse de ses subventions locales, parfois jusqu’à leur disparition. D’abord, la subvention du département est « passée de 15 000 euros à 2500 euros depuis 2015  », explique Étienne Bastide, président et membre fondateur de Radio Galère. Celle de la région (jusqu’à 15 000 euros par an) a diminué de moitié avant d’être définitivement supprimée en 2019 par Renaud Muselier (LR), président de la région Paca. Il sucre alors une aide importante à plus de 40 radios associatives, dont Radio Galère. Depuis, elle subsiste grâce aux 42 000 euros de la subvention d’exploitation issue du FSER3 (40 % de son budget annuel) et d’autres aides par-ci par-là. Une activité chronophage : 6 mois pour monter les plus gros dossiers et autant pour obtenir une réponse. Dans l’attente, les caisses restent vides.

À ça s’ajoute le contexte d’inflation qui entraîne une augmentation des charges : salaires, factures d’électricité et loyer à la Friche qui est passé de 700 euros à 960 euros en juillet dernier. L’inflation affecte aussi la capacité des adhérent·es à payer leurs cotisations pour financer les émissions (10 euros par émission et par mois). Même si les difficultés financières ne datent pas d’hier et font partie de Radio Galère.

L’argent, nerf de la guerre pour l’indépendance

« On a toujours été dans la débrouille », se souvient Kamar. « [Le manque de thune] c’est une problématique courante de radios locales qui veulent rester indépendantes  », rappelle Louise. « Vu ce qu’on fait et ce qu’on dit, on n’obtient pas le même montant de subventions [que d’autres radios associatives ndlr] », analyse Kamar. « L’autonomie et la liberté défendues par la radio ont peut-être porté préjudice à son économie », concède Thomas, salarié en charge de l’administration.

« On a des gens qui viennent chez nous précisément pour la liberté de choix des sujets et de ton », ajoute Kamar. Comme dans l’émission « 1 heure en Palestine » qui aborde l’actualité palestinienne depuis plus de 20 ans, ou « Kokoko » diffusée depuis juin, faites pour et par des personnes non blanches. Un espace de répit comme le dit l’équipe, où ont été abordés les thèmes de la lutte contre l’instrumentalisation de leurs identités dans l’art ou encore l’injonction à la puissance des personnes racisées4.

La place donnée par Radio Galère à des voix que l’on entend trop peu souvent est précieuse. D’autant plus dans un contexte de concentration accrue des médias aux mains de quelques-uns, et dont les lignes éditoriales vont majoritairement de la droite à l’extrême droite. En atteste l’ampleur de l’empire médiatique Bolloré, ou plus récemment le rachat par le milliardaire Rodolphe Saadé de la chaîne BFMTV et de la radio RMC.

Sans argent, les médias qui portent des paroles alternatives disparaissent ou sont menacés d’extinction. La fin du mensuel marseillais d’investigation Le Ravi en 2022, ou celle au mois de juin du périodique satirique d’investigation vendéenne Sans-Culotte, en témoignent. Mais l’équipe de Galère n’est pas près de se laisser démonter. Peu importe la tempête, Radio Galère continuera de « ramer à contre-courant », comme elle l’a toujours fait.

Par Léo Petillot

Pour faire un don, retrouvez la campagne en ligne « Remettre à flot Radio Galère »sur Hello Asso. Et pour rencontrer l’équipe et les bénévoles, rendez-vous le mardi 24 septembre pour l’Apéromix de rentrée à la Friche, à Marseille.


1 Parmi lesquelles, depuis octobre 2023, une émission mensuelle « Un lundi avec CQFD » où l’équipe du Chien rouge intervient.

2 Établissements ou services d’aide par le travail pour les personnes en situation de handicap. Des structures où elles ont une activité professionnelle dans des conditions adaptées à leur handicap.

3 Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. C’est une subvention accordée annuellement par le ministère de la Culture.

4 Toutes les émissions sont à retrouver sur radiogalere.org, et à écouter sur la 88.4 FM/DAB+ à Marseille.

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Cet article a été publié dans

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