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Chômage : l’arnaque des droits rechargeables

Présentée à l’automne 2014 comme une avancée sociale par la CFDT et le Medef, la nouvelle convention Unedic sur les droits rechargeables a surtout eu pour effet de rogner l’indemnisation de 500 000 chômeurs. Une vraie régression très partiellement corrigée par le nouvel accord du 25 mars dernier.

Au début de l’année, Hollande, Valls et Rebsamen fanfaronnaient autour de la désormais fameuse inversion de la courbe du chômage. Patatras ! En février, la courbe en question repartait à la hausse, ce qui s’est logiquement traduit par la déroute électorale des départementales. Au même moment, un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) faisait état d’une surmortalité au moins trois fois supérieure chez les personnes en recherche d’emploi par rapport aux autres catégories de la population. Et il n’y est pas seulement question de tendances suicidaires. Selon Pierre Meneton, qui avoue que ces chiffres sont sans doute une « sous-estimation de la réalité », son étude ayant été réalisée avant la crise de 2008, les personnes au chômage « consomment plus d’alcool, moins de fruits et légumes, et ont un apport calorique, hors alcool, très significativement plus élevé que la moyenne ». Outre le fait de jouer avec l’apesanteur ou les allumettes, les chômeurs ne ménagent ni leur cœur ni leur foie.

Par Aurel.

Cette réalité sanitaire et sociale n’a guère ébranlé l’insensibilité marmoréenne du Medef. Ce dernier a continuellement essayé de dissimuler les ravages, en termes de baisse d’indemnisation, engendrés par l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2014, de la nouvelle convention d’assurance chômage sur les droits rechargeables. « Nous avions prévenu dès le mois de juillet que ce texte constituait une gigantesque arnaque, lâche Vladimir du comité CGT chômeurs rebelles du Morbihan. Et le nouvel accord du 25 mars n’est qu’un écran de fumée supplémentaire. » Pourtant, le mécanisme des droits rechargeables avait été vendu par le Medef, la CFDT, FO et la CFTC comme très favorable aux personnes contraintes d’enchaîner les périodes de labeur et d’oisiveté. Le cumul des heures travaillées ouvrant droit à indemnisation devaient permettre de prendre en charge les 6 chômeurs sur 10 qui, jusqu’à présent, ne percevaient rien. Cela, c’était l’objectif généreusement affiché. La réalité était fort différente puisqu’il s’agissait en priorité de réaliser 450 millions d’euros d’économie sur le dos de 500 000 chômeurs, dixit l’Unedic elle-même dans plusieurs documents de travail1. Depuis le 1er octobre 2014, le droit rechargeable permet à un chômeur de préserver des droits à indemnisation en cas de reprise d’emplois, alors qu’il en perdait une partie auparavant. Toutefois, lorsqu’un salarié perd son emploi, il doit épuiser ses anciens droits à indemnisation, s’il lui en reste, avant d’en obtenir de nouveaux. Il peut donc se trouver pénalisé si ses anciens droits sont inférieurs aux nouveaux. Une personne indemnisée sur la base d’un précédent salaire de 600 euros mensuel qui aurait trouvé un emploi en CDD payé 1 500 euros sera donc indemnisée sur 600 euros au terme de son CDD alors que dans l’ancien mode de calcul, elle aurait pu toucher 1 100 euros.

L’extension du droit d’option entre anciens et nouveaux droits, qui était une revendication de la CGT et des associations de défense des chômeurs, accordée par le Medef lors de la réunion du 25 mars, se fera sous conditions et laissera encore de côté une grande partie des recalculés. En effet ne seront concernés par les largesses patronales que ceux dont l’indemnité journalière sera tombée à moins de 20 euros, ceux pour lesquels le différentiel entre reliquat et droit nouveau sera d’au moins 30%, le droit nouveau devant être d’au moins 4 mois. « Quelqu’un qui avait un reliquat de 750 euros par mois et des droits nouveaux de 1 000 euros ne pourra pas bénéficier du droit d’option, reprend Vladimir. 250 000 personnes, au moins, devraient donc rester pénalisées après la signature de l’accord du 25 mars. »

Pour lui, c’est la logique purement comptable du dispositif qui est en cause. « C’est quand même une idée sacrément perverse que de diminuer l’indemnisation de ceux qui augmentent leur revenu tout en amortissant le choc pour ceux qui acceptent un contrat moins bien payé. » Quel peut être alors le véritable objectif de la réforme ? Vladimir toujours : « Le problème du gouvernement ce n’est pas la pauvreté mais les statistiques. Il est prêt à multiplier le nombre de travailleurs pauvres comme en Angleterre ou en Allemagne dès lors que ceux-ci ne sont plus comptabilisés dans la catégorie A de Pôle emploi. » Tout fonctionne également comme si les pouvoirs publics, ayant fait leur deuil des emplois pérennes, cherchaient les mécanismes les plus tordus pour pousser les gens vers des emplois de mauvaise qualité, CDD, intérim, temps partiel subi, quitte à les maintenir dans une précarité et une pauvreté durables. Avec, en première ligne de cette offensive, les jeunes et les femmes. Avec, comme risque majeur, une aggravation de l’épuisement au travail et une augmentation des suicides.

Une lueur d’espoir toutefois ? Vladimir encore : « Pour la première fois, cela va obliger tous ceux qui se battent en faveur des droits des chômeurs et précaires, CGT et CIP-IDF (Coordination des intermittents et précaires en Île-de-France) notamment, à se serrer les coudes, à multiplier les mobilisations, à engager un nouveau rapport de force avec le gouvernement et le patronat pour obtenir des conditions de travail dignes. » Et de prévenir que la CGT ne lâchera rien sur le dossier des droits rechargeables et qu’elle va monter en puissance sur celui du RSA. Gare !


1 Allez voir, pour des précisions sur les chiffres et l’historique de cette grande manip’, le site très complet du comité CGT chômeurs rebelles 56. Sur le nombre exact de recalculés lésés par la réforme, le MEDEF finira par avouer 380 000.

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Paru dans CQFD n°131 (avril 2015)
Par Iffik Le Guen
Illustré par Aurel

Mis en ligne le 11.05.2015