Pour le respect, la vérité et la justice...
Villiers-le-Bel repassera !
« ON AURAIT DIT que c’était elle l’avocate générale », raconte Saïd, un des porte-parole du collectif Respect vérité justice, à propos de la présidente de la cour d’assises. « Elle manœuvrait le jury comme Domenech l’équipe de France.Seulement,là,c’est pas le ballon qui recevait les coups, c’est nos potes. On aurait dit un huis clos déguisé. La salle d’audience était investie par les policiers et les journalistes. Les proches ont dû se relayer pour assister aux débats,subissant chaque fois les contrôles, les fouilles… » Et le ballet des témoins de l’accusation ? « Bien que l’accusation ait dit qu’on n’allait pas faire le procès de la banlieue, on a utilisé tous les clichés pour expliquer que les témoins se rétractent. Au lieu de questionner la fiabilité de leur témoignage, on a évoqué l’omerta, les menaces des caïds… Pourtant, les enquêteurs ont reconnu ne pas avoir vérifié leurs allégations. On a cru sur parole des témoins anonymes, même s’ils s’avèrent être un indic des stups ou un coupable de viol sur mineur un peu mytho… Exemple : un témoin affirme avoir vu Maka tirer sur la police. Il le décrit en train d’appuyer sur la gâchette avec la main droite,alors que Maka est gaucher. Mais la juge n’a pas relevé l’incohérence. » Comment ont été traités les témoins de la défense ? « Plus ou moins mal. M. Sow, le père d’Ibrahima, a semblé convaincre par sa sincérité. Mais ça n’a pas empêché son fils d’en prendre pour neuf ans. » Le dossier de l’accusation ? « Le grand vide. Ils ont même appelé les plaignants et leurs témoins à comparaître une deuxième fois tellement leur première audition avait sonné creux ! Un vrai matraquage. Les jurés ont été orientés pour confirmer une décision déjà prise. » C’est que Sarkozy avait exigé du « résultat »… « Oui, et Alliot-Marie,pour défendre son copain Woerth, a osé dire que “l’innocence se présume, la culpabilité se prouve” ! Alors qu’au même instant, nos copains à nous étaient condamnés sans preuve, sans armes retrouvées, sans traces ADN, sans images fiables. On nous a prouvé qu’il y a bien une justice à deux vitesses. Faire confiance à la justice ? On a confirmé aux gens de Villiersle- Bel que la seule solution qu’ils ont cru avoir au début, c’est vraiment la seule. On nous a montré que nous ne sommes pas chez nous ici. Faut pas qu’ils s’étonnent après si la Marseillaise est sifflée… Les inventeurs des droits de l’homme regardaient le monde du haut de la tour de Pise, non ? » Comment vois-tu la suite ? « Aujourd’hui, on est dans la réflexion. Les condamnés ont jusqu’au 14 juillet pour faire appel. Mais il y a danger : vu l’arbitraire de leur condamnation en première instance, on peut imaginer le pire. Maka, par exemple, n’a aucun intérêt à faire appel : il devrait sortir d’ici peu, puisqu’il a fait presque toute sa peine avec la préventive. Il n’avait aucun antécédent judiciaire, ça a dû jouer en sa faveur. » Et puis, en épargner un sur quatre donne l’impression que la justice est sereine et mesurée, alors que tout ce procès a été mené à charge, pour l’exemple, parce que le pouvoir avait décrété qu’il fallait des coupables à tout prix.
Cet article a été publié dans
CQFD n°80 (juillet-août 2010)
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Paru dans CQFD n°80 (juillet-août 2010)
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Mis en ligne le 07.09.2010
Dans CQFD n°80 (juillet-août 2010)
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