L’édito du n°224

Une grosse paix dans la gueule

Une illustration d’Alex Less

La paix ? Si t’en parles on croit que tu blagues. À l’heure où les tanks israéliens terminent de détruire à Gaza ce que les bombardements ont laissé debout, le mot d’ordre paraît un peu absurde, suranné, naïf. Voire : un peu réducteur au regard des conséquences incalculables de ce qui se joue depuis trois semaines au Proche-Orient. Comprenez : il faudrait être réaliste, admettre que les choses sont allées trop loin, qu’aux horreurs des uns répondent celles des autres et qu’ainsi va le monde sous la férule des ignobles qui nous gouvernent. Oui mais… si ce n’est la paix, quelle perspective, sinon l’achèvement du nettoyage ethnique des Palestiniens et l’extension du conflit, avec potentiels ricochets sanglants dans le monde entier ?

CQFD est issu d’un héritage antimilitariste qui nous a toujours fait regarder avec suspicion les uniformes, les clairons qui sonnent et la violence aveugle. Pas pacifistes, mais haïssant la guerre. Dans le cas présent, il n’y a pas à tortiller : par quelque bout qu’on prenne le carnage, la seule lueur d’espoir est celle d’un cessez-le-feu dont naîtrait un bout de dialogue. Ce qui demanderait d’abord que d’autres pays se mouillent. Que l’ONU redevienne capable de sanctionner les criminels et d’imposer le secours des civils ainsi que l’ouverture de négociations. Et, à son modeste niveau de puissance désormais moyenne, que la France cesse de jouer à la godille, affirmant un jour son « soutien inconditionnel » à Israël pour réclamer deux semaines plus tard, devant l’ampleur prévisible des massacres, une trêve humanitaire.

Alors oui, une bonne grosse paix dans la gueule des fumiers sanguinaires au pouvoir, c’est tout ce qu’on espère dans l’immédiat. Et d’ici là, on soutient les immenses cortèges qui, de Londres à Berlin en passant par Istanbul défilent pour cet idéal. Dérive autoritaire macroniste oblige, on n’en est pas vraiment là en France, où règne une diabolisation insensée de toute manifestation de solidarité avec ceux qui sont les plus grandes victimes aujourd’hui, et les plus menacées : les Palestiniens. C’est aussi contre cela qu’il faut se mobiliser : battre le pavé encore et encore, en refusant le chantage répressif d’un pouvoir envers qui, pour le coup, nous n’avons aucune volonté d’enterrer la hache de guerre.

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1 commentaire
  • 14 novembre 2023, 13:52, par K-RD

    "En passant par Istanbul". Ben ça se voit que vous n’y êtes pas passés. Le grand rassemblement du 28 octobre auquel vous faites sans doute allusion était organisé au millimètre par le parti islamiste au pouvoir l’AKP. Une indignation pacifiste qui ne sait pas reconnaître la manipulation du pouvoir (quel qu’il soit) ne vaut pas grand chose. https://www.francetvinfo.fr/societe...

Cet article a été publié dans

CQFD n°224 (novembre 2023)

Sidérés. Par les milliers de morts, les bombardements, l’ouragan de haine, de désinformation et d’indignation sélective qui ont accompagné la guerre au Proche-Orient et la guerre entre Israël et les factions palestiniennes. Voilà ou nous en étions, en essayant de concocter ce numéro 224 de CQFD. Alors, comme début d’une réflexion, on a donné la parole au collectif juif décolonial Tsedek ! et on est allés faire un tour dans les manifs pour la Palestine. Dans nos pages, aussi des nouvelles de Marseille, toujours autant vampirisée par la plateforme AirBnb, mais qui s’organise pour lutter contre. On y propose aussi un suivi du procès des « inculpés du 8 décembre » et ses dérives, on y dézingue les « ingénieurs déserteur ». Côté chroniques, #Meshérostoxiques interroge l’idole de jeunesse Sid Vicious, #Dans mon Salon fait un tour au Salon des Véhicules de Loisirs et #Lu Dans nous donne à lire les anarcho-communistes allemands.

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