Salon malien de l’armement

Le 13 janvier, quatre avions Rafale décollent de la base de Saint-Dizier en Haute-Marne, volent six heures durant, frappent une vingtaine d’objectifs autour de Gao au Mali et se posent à N’Djamena au Tchad : « Ça, ça intéresse l’Inde », commente le général Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air française. Prouesse technique : neuf heures de mission, sans radars au sol, et cinq ravitaillements en vol, l’armée de l’air indienne est épatée.

En partant seule dans le conflit malien, l’industrie française a l’opportunité de montrer à toutes les armées du monde qu’elle en a – des ressources militaires. Plus convaincante que le salon du Bourget, la démonstration de force au Mali est un précieux argument de vente. Notamment pour Dassault. Car sur le marché du jet de dernière génération, la concurrence est rude entre le Typhoon des Angliches, le Super Hornet des Amerloques ou le SU-35 des Ruskoffs. Alors une guerre, c’est un moyen de faire la publicité de son excellence technique nationale. « Même aux État-Unis, l’efficacité de l’armée française en Afrique est connue. Je crois que les Américains sont très demandeurs », notait le général Ract Madoux au salon américain de l’armement à propos de ses équipements.

À Dubaï le 15 janvier dernier, le chef des armées François Hollande se déplace en VRP de l’avionneur : « Nous pensons que [le Rafale] est un très bon avion. Je n’ose pas dire que l’expérience l’a démontré, mais c’est pourtant le cas, aussi bien en Libye que sur le théâtre malien. […] Nous pensons que c’est une technologie exceptionnelle, nous l’avons dit à nos amis émiriens.1 » Avec les rois du pétrole, Hollande papote transition énergétique, énergies renouvelables, mais la négociation porte avant tout sur l’achat de soixante Rafale. Fin 2011, les émirats avaient repoussé les propositions insistantes de Sarkozy. Grâce à la campagne malienne qu’il a lancé seul, Hollande a désormais un argument de poids. D’autant que le Rafale est équipé de ce qui se fait de mieux en Europe : le nouveau radar RBE2 développé par Thalès permet de suivre quarante avions, en flinguer huit simultanément et distinguer, au sol, les charrettes les plus petites.

Passant en revue les avions de chasse de la base militaire française aux Émirats, Hollande se félicite qu’ils peuvent « mener des frappes au mètre près, sans que cela soit dommageable pour la population. » Aux pilotes mobilisables au Mali, il déclare : « Merci pour votre double mission, à la fois opérationnelle et, j’allais dire, commerciale.2 »

L’Inde, qui s’est d’abord prononcée sur l’achat de 126 Rafale, pourrait en commander finalement 189. Soit 18 milliards de dollars. Mais le ministre indien des Affaires étrangères en déplacement à Paris fait languir Hollande : « Les bons vins français mettent du temps à parvenir à maturité, il en est de même pour les bons contrats.3 » Guerre malienne à l’appui, le président français suscitera l’appétit des gourmets. Le Brésil parle d’acheter dix-huit avions, le Qatar une dizaine, la Malaisie et le Canada sont également intéressés. De quoi ouvrir des perspectives de croissance et d’emplois en ces temps de crise.


1 La Tribune, 21 janvier 2013.

2 Le Monde, 16 janvier 2013.

3 La Tribune, 17 janvier 2013.

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