Ça brûle !

SNU comme un ver

Ce matin, c’était grosse excitation au local, limite on en bafouillait. Pensez-donc : ça faisait bien un mois qu’on les avait commandés, ces uniformes. Alors quand le livreur Uber-Kaki a déposé le carton contenant lesdites merveilles, on s’est jetés dessus en piaillant comme des opossums.

Deux minutes plus tard, on était parfaitement attifés, tricolores et swag : jupes longues pour les meufs, petits shorts virils pour les mecs. Et polos pour tous, des merveilles, avec ce petit liseré bleu-blanc-rouge tellement poignant. Notre secrétaire de rédaction Clair ressemblait à Christian Clavier, la classe, et nous on était tellement fiers qu’on a illico entonné une petite Marseillaise des familles, la gorge serrée par l’émotion. De quoi parfaitement commencer cette dernière journée de bouclage.

Ça peut paraître bizarre, vu de loin. Après tout, CQFD a dès le départ affiché une composante anti-militariste assez virulente. Voire : épidermique. Mais, pour être franc, ça fait un petit moment qu’on se pose des questions : est-ce qu’on n’y perd pas en efficacité ? Pourquoi ne pas miser sur la discipline ? Iffik, notre spécialiste ès paras, a pavé la voie, nous vantant les mérites du patriotisme breton. Et quand on a vu les si touchantes vidéos de cette jeunesse volontaire pour le Service national universel (SNU), on a décidé de franchir le pas. D’où ces super-uniformes trop stylés, à faire mouiller Morano et craquer le slip de Ciotti.

Bref, on y croyait. Ce jour allait être le premier d’une longue série, marquée par la productivité, la disruption, le patriotisme. Et le canard s’en ressentirait, on allait voir ce que ça allait voir, rigueur rigueur rigueur. Ainsi vêtus, surmotivés, on s’est précipités sur nos tâches, qui écrivant des articles, qui corrigeant, qui mettant en page. « Voilà une rédaction qui se tient sage », s’est enthousiasmé l’ami François quand il est passé au local, admiratif.

En clair : tout roulait. Puis c’est parti en cacahuète. Il a suffi d’une phrase.

« Dites, j’irais pas acheter une petite bouteille de rosé ? », a chevroté Sam, toute pimpante dans son uniforme bleu marine. On s’est regardés, hésitants. Quand Margaux a dit « pourquoi pas ? Mais juste une lichette, hein », on a opiné. Juste une lichette. Erreur, terrible erreur...

Trois heures plus tard, au moment de rédiger ces quelques lignes, tout est parti en vrille. Les cadavres de bouteilles s’entassent devant la porte et on va même pas les trier, ballec. Dévasté, le local dégage une odeur de buffle en putréfaction. Nos beaux uniformes sont déchirés et tachés de vin, de vomi et de fluides suspects. Un œuf de flamand rose pourrit dans un verre (???). Tiphaine vient de parler avec insistance de « lécher la chatte de la reine des neiges pour contrer la canicule » et on a ri comme des débiles. Et ainsi de suite. Rude.

Pour nous, définitivement, c’est râpé. Et c’est pourquoi, jeunes appelés du SNU, on vous conjure de ne pas faire les mêmes erreurs que nous. Doigt sur la couture, discipline chevillée au cerveau, donnez le meilleur pour la patrie, nom d’un Pétain (et quand personne regarde, faites tout sauter, bordel).

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