Rennes : Belle énergie contre El Khomri

Même ravalé, le projet de loi Travail de la ministre Myriam El Khomri continue à repeupler le pavé où salariés, chômeurs, étudiants et lycéens s’organisent. Lug, manifestant breton, témoigne de l’effervescence rennaise.

A Rennes, c’est le 8 mars 2016 que tout a véritablement commencé. La première assemblée générale (AG) à l’université Rennes 2 réunit environ quatre cents personnes. Celle-ci est à l’initiative d’un regroupement d’organisations politiques et syndicales, qui dorénavant s’efface pour laisser l’assemblée s’auto-organiser. Au même moment, Sciences Po se met aussi en branle. Et les bases du mouvement sont posées : mobilisation jusqu’au retrait total de la loi, assemblées ouvertes à tous et création d’un comité de mobilisation.

Dès le lendemain, les étudiants forment un cortège commun pour manifester. Depuis, l’activité est presque quotidienne. Les assemblées s’enchaînent au rythme d’une à deux par semaine, et les actions fomentées en leur sein maintiennent la pression entre les jours de grandes mobilisations. Barrages filtrants, débrayages de cours et de lycées, journées de blocage de Sciences Po, libération d’un amphithéâtre : la normalité des cours commence à craqueler et l’ambiance de grève se répand de jour en jour.

À partir du 15 mars, la création d’un comité d’action valide l’idée que les manifestations ne doivent pas se limiter à de simples promenades. Histoire d’égayer la lutte, des cibles concrètes sont définies. Hélas, à plusieurs reprises, les cortèges doivent faire face à des dispositifs policiers importants. Pour beaucoup, ce sont les premières confrontation avec la bleusaille ; et la découverte des violences policières en décontenance certains. Pour autant, la détermination reste intacte, et on voit très vite s’engager une transmission des savoir-faire. Alors fleurissent les masques, foulards, lunettes de plongée, bouteilles de Maalox, boîtes de sérum physiologique, banderoles renforcées, peinture…

Le 17 mars, la manifestation est exemplaire – un tournant dans la mobilisation rennaise. La gare, laissée sans protection policière, est envahie pendant une heure par plusieurs milliers d‘étudiants, de lycéens, de chômeurs et de travailleurs. Ensuite, le cortège se rend à la mairie et opère un ravalement de façade façon Jackson Pollock ! La Bac, peu amatrice d’art, charge les peintres en bâtiment et tente d’en arrêter cinq. Solidaires, les manifestants réagissent vigoureusement, empêchant ainsi que plusieurs de leurs camarades ne soient embastillés. Malheureusement, l’un d’entre eux reste entre les mains des cognes, et plusieurs personnes sont blessées. Le reste de l’après-midi se déroule dans un face-à-face tendu sur la place de la Mairie, où l’équipe bleue tente à plusieurs reprises de disperser la foule. En vain.

Dernière en date, la journée du jeudi 24 mars fut moins glorieuse. Dans la matinée, alors que certains manifestant tentent une auto-réduction1, la police en profite pour s’attaquer au cortège étudiant et voler lâchement tout le matériel de défense. Nombreux et toujours déterminé – bien qu’un peu démoralisé –, le reste de la manifestation s’efforce de colorer joyeusement certains lieux de pouvoir du centre-ville. Mais les pandores gazent et matraquent le cortège à plusieurs reprises, blessant à nouveaux plusieurs personnes, en arrêtant une autre.

Cette dernière manifestation laisse un goût amer. Le mouvement en prend acte et la considère comme une expérience qui le renforcera. Si l’on en croit les discussions qui suivent cette journée, il est clair que la volonté de l’emporter est bien là. Les semaines à venir devraient le démontrer.


1 Pratique collective qui consiste à maintenir la pression sur la direction d’un magasin pendant que des caddies, remplit de marchandises, passent les portes.

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