Prison

Rafistoler, la belle affaire, mais libérer…

Les Baumettes sont un cloaque, c’est connu depuis perpét’. Mais l’Observatoire international des prisons doit multiplier les procédures judiciaires afin que l’administration pénitentiaire sorte enfin sa boîte à outils. À défaut de libérer les prisonniers pour cause d’insalubrité…

Rien que ça ! Il aura fallu trois passages devant les tribunaux – un premier référé devant le tribunal administratif suivi d’un appel devant le Conseil d’État, puis un second référé dit « mesures utiles » – pour que l’administration pénitentiaire des Baumettes daigne rafistoler fissa sa taule décrépite.

Petit rappel des faits : le 6 décembre dernier, le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue, sur la prison marseillaise est publié au Journal officiel. Rats, crasse, absence d’éclairage et de fenêtres, réseau électrique dangereux : les conditions de détention y sont décrites comme « sans doute inhumaines, sûrement dégradantes ». Le ministère de la Justice ne semblant pas convaincu de l’urgence de la situation, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), le Syndicat de la magistrature (SM), le Conseil national des barreaux, le Syndicat des avocats de France (SAF) et l’Ordre des avocats de Marseille décidaient de lancer une procédure de référé liberté. Résultat, le 14 décembre, le tribunal administratif de Marseille exigeait que, sous dix jours, chaque cellule soit dotée d’un éclairage, que les détritus soient enlevés et que les repas ne soient plus entreposés à même le sol. Cette première avancée a été jugée insuffisante par l’OIP et les autres organisations, qui ont fait appel devant le Conseil d’État. À juste titre : le 22 décembre, la pénitentiaire s’est fait passer la seconde couche par la plus haute juridiction administrative du pays qui a ordonné la mise en œuvre d’une « opération d’envergure » de dératisation et de désinsectisation. Ce sera tout ? Du tout. Le 10

janvier, troisième passage : suite à un second référé déposé par l’OIP, le tribunal administratif a ordonné que soient effectués sous trois mois des travaux d’étanchéité sur l’un des bâtiments, l’installation de toilettes fermées dans 161 cellules, la mise en conformité des installations électriques et la remise en état des monte-charges dévolus aux transports de déchets. Le mardi 8 janvier, en visite aux Baumettes, la Garde des Sceaux Christiane Taubira, a affirmé à La Provence vouloir « se lancer à l’assaut de l’indignité » en prison. Heureusement que les tribunaux lui filent quelques coups de baïonnette pour la faire sortir de sa tranchée.

Cependant, les juges ont rejeté la demande de l’OIP de fermer les bâtiments les plus délabrés, alors que libérer les détenus serait la meilleure façon de les soustraire à des conditions de détention « inhumaines ». Voilà pourquoi le SAF préconise aux avocats de demander la mise en liberté des personnes en détention provisoire, ou des aménagements pour les détenus ayant effectué la moitié de leur peine. « Nous l’avons fait, confie maître Laurent Bartolomei, président du SAF des Bouches-du-Rhône. Cependant, la jurisprudence ne prend pas en compte les conditions de détention. » En février 2012, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi d’un détenu qui voulait être libéré de la prison de Nouméa au motif d’un « traitement dégradant ». L’insalubrité, c’est efficace pour expulser pauvres et Roms de leurs logements. Pas pour libérer des taulards…

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3 commentaires
  • 28 février 2013, 20:37, par Bruno des Baumettes

    J’ai été détenu aux Baumettes à Marseille au « deuxième nord » - une aile réservée aux détenus isolés : les pointeurs, les violeurs, les détraqués et autres personnes mises dans cette aile parce qu’elles ne peuvent pas, pour des raisons de sécurité, voire de vie ou de mort, être mélangées avec les autres détenus de droit commun. C’est la première fois que je connaissais la détention aux Baumettes...

    J’ai tenu un journal que j’ai décidé de mettre en ligne :brunodesbaumettes.overblog.com , afin de témoigner de la vie d’un détenu. Ce journal n’est ni une ’confession’, ni une ’mise en accusation’, c’est seulement la transcription d’un quotidien, dans un quartier particulier d’une prison... particulière.

  • 1er mars 2013, 16:53, par Ecrou6456

    C’est quoi l’organisation internationale des prisons dont on parle dans l’intro ?

  • 3 mars 2013, 21:50, par François Maliet

    C est une boulette, c est corrigé. Merci ! F

Paru dans CQFD n°107 (janvier 2013)
Par François Maliet
Illustré par L.L. de Mars

Mis en ligne le 28.02.2013