CQFD

Chasse aux fraudeurs

Quand la CAF s’invite


paru dans CQFD n°95 (décembre 2011), par François Maliet
mis en ligne le 16/12/2011 - commentaires

« Environ trois cent mille contrôles domiciliaires sont effectués chaque année par la Caisse d’allocations familiales [CAF] » , nous apprend la très instructive brochure réalisée par les CAFards de Montreuil. Hé oui ! À tout moment, un gus de la CAF peut se radiner chez vous pour éplucher vos déclarations, et vérifier que vous ne vous gavez pas de coquillettes discount sur le dos des aides sociales. En ces temps de traques aux fraudeurs – responsables, en vrac, de la crise, du chômage, du racisme, du réchauffement climatique, de la violence dans les cours d’école et des escarres de pépé –, ce « collectif de chômeurs et précaires qui se sont regroupés pour se défendre face aux institutions sociales » fournit là quelques infos de première bourre pour ne point être pris au dépourvu en cas d’inspection inopinée. « Celui que la CAF appelle “fraudeur”, précise le collectif, c’est le Rsaste qui se fait aider par sa famille pour arriver à la fin du mois, c’est la mère qui ne déclare pas son compagnon pour garder son indépendance et ses maigres revenus, c’est l’intermittent du travail au black qui veut éviter une chute de revenus catastrophique. » Pas vraiment l’univers de Bernard Madoff, mais bien celui des galériens à qui l’on octroie gracieusement quelques miettes tout en cherchant à les culpabiliser… « Il n’y a pas de règle formelle, les contrôles peuvent toucher tout le monde. Mais de fait, il peut y avoir des catégories ciblées. » Et la CAF a ses chouchous : « On sait déjà que la plupart des mères isolées se font contrôler régulièrement. Les Rsastes sont également plus ciblés que les autres allocataires. » Sans compter qu’il advient fréquemment qu’un voisin indélicat cafte auprès de l’institution.

« Souvent, c’est la panique », quand on n’est pas préparé à cette intrusion dans sa vie privée. Les CAFards donnent donc force conseils et éléments de droit utiles en pareille occasion. En cas de visite surprise, par exemple, il est tout à fait légal de refuser « l’accès et le contrôle à l’improviste, et de demander un autre rendez-vous ». Par ailleurs, s’il est vrai que « le contrôleur a le droit de demander des relevés de compte bancaire », l’allocataire a toute liberté de ne pas « montrer ses débits » !

Ce précieux document comporte moult témoignages d’allocataires ayant subi le passage de ces importuns. Et c’est instructif : « Lors du contrôle, je me rends bien compte qu’il veut prouver que j’habite avec le père de ma fille, alors que je déclare habiter seule avec elle. […] Malgré les trois heures “d’interrogatoire”, sans aveu de ma part, le contrôleur n’a rien pu prouver. » Surtout, ne jamais avouer !

Il en ressort que la meilleure défense, c’est encore le collectif. Et l’occasion d’organiser un petit dîner de cons à domicile… « Le jour du rendez-vous, nous sommes une dizaine dans la maison. Nous l’installons [le contrôleur de la CAF, ndlr] à une table dans le salon. Certains s’asseyent à la table, d’autres un peu plus loin sur le canapé. Avant même que ne s’estompe son premier sentiment de surprise, nous lui posons toute une série de questions sur ses objectifs réels. […] Bref, il comprend que nous sommes aussi là pour “contrôler” ce qu’il fait. […] Au final […], il ne prend finalement que quelques minutes pour vérifier mon numéro de Sécu qui était, selon lui, le seul objet de son passage au domicile. » Ciao, monsieur, au plaisir de ne jamais vous revoir !

Contact : cafardsdemontreuil@riseup.net. Cette brochure est téléchargeable sur https://cafard93.wordpress.com ainsi que sur www.cip-idf.org.



3 commentaire(s)
  • Le 16 décembre 2011 à 15h20, par Atzo -

    On peut aussi s’opposer au contrôle au domicile, car selon la CNAF il n’est pas possible d’imposer un contrôle domiciliaire pour des documents ou des informations qui peuvent être contrôlé en dehors du domicile. Il faut envoyer un courrier recommandé informant que l’on est disponible pour le contrôle mais que l’on demande les raisons qui justifient un contrôle à domicile. Selon la CNAF il ne peut y avoir contrôle au domicile que lorsqu’un pret à été demandé pour l’achat de mobilier dont ils peuvent contrôler la présence effective dans le logement ou pour contrôle lié à des problèmes d’hygienne. Tous les documents pouvant être présentés dans des les locaux de la CAF ne justifient pas d’un contrôle à domicile. Vous pouvez lire à ce sujet ce document interne à la CAF :

    http://www.caf.fr/web/WebCnaf.nsf/090ba6646193ccc8c125684f005898f3/70779b033b0eb2ccc125730f002f93a7/$FILE/RP66-DBuchet.pdf

    lire aussi "l’insécurité juridique des contrôleurs de la CAF" de Vincent Dubois :

    Le contrôle est devenu un instrument des politiques sociales, au sens où les procédures qui le constituent sont en elles-mêmes investies d’une fonction dans la réalisation des objectifs qui leur sont assignés. En revenant sur l’une de ces procédures (les enquêtes au domicile des bénéficiaires de minima sociaux), cet article analyse une forme particulière d’interrogation bureaucratique, dont le dévoilement des caractéristiques, des modalités et des usages, contribue à éclairer les modalités contemporaines du traitement institutionnel des assistés sociaux. La force contraignante de l’institution et de ses règles s’y combine à l’incertitude des situations des contrôlés, des modalités de leur contrôle et des règles mobilisées à cette occasion. Le paradoxe d’un contrôle conduit au nom de la rigueur juridique mais où domine l’incertitude et le pouvoir discrétionnaire des agents de base révèle ainsi plus largement le fonctionnement d’un gouvernement des pauvres qui procède de la combinaison d’une multitude de relations individualisées, plus ou moins coordonnées mais néanmoins inscrites dans une logique structurelle, associant l’impératif économique de remise au travail à une entreprise morale de redressement des habitus non conformes aux exigences du marché de l’emploi et/ou à celles de l’institution d’assistance.

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  • Le 16 décembre 2011 à 16h13 -

    Focalisons pas sur la fraude, le discours contre elle a bien d’autres effets que sur les "fraudeurs", y compris tout ceux qui de de bonne foi "fraudent" alors qu’il essaient juste de s’éviter des complications avec les services, puisque tout changement se situation rend les choses incertaines.

    Chacun sait aujourd’hui que L’ÉCONOMIE C’EST LA LOI ET LE SOCIAL DU VOL : dépendre en quoi que ce soit de ce dernier (retraite, chômage, maladie), c’est déjà être en faute, coupable, redevable.

    Ainsi, entre le formulaire d’inscription intrusif qui fait craindre le pire, la stigmatisation des "assistés traîtres à l’intérêt général", le faible apport monétaire pour qui taffe déclaré pour de bas salaires, le RSA, c’est une affaire qui marche bien : près de de 50% des ayants droit potentiels ne le demandent pas... Grâce à ce "non-recours" massif au droit ? on fait des écorcnoques et on casse aussi le thermomètre, c’est à dire que l’on masque l’ampleur de la pauvreté (souvenons nous du taux de fauchés non imposables sur le revenu qui, à l’exact opposé social et patrimonail des bénéficiaires de "niches fiscales" approche encore les 50%)

    Pour les autres, quelques conseils pour frauder - à la marge - les minima sociaux, et même pour un (petit, petit) morceau de RSA pour les moins de 25 ans, malgré la désion socialiste, en 1988, de leur interdire le RMI, et dont les effets durent toujours http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5668

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  • Le 6 avril 2012 à 13h08 -

    N’avoue jamais, un document sonore pour faire face aux contrôles domiciliaires de la CAF

    Inviter à une écoute collective de « N’avoue jamais » peut constituer une bonne introduction à des échanges sur ces enjeux, notamment en vue d’enquêter, de s’organiser et d’agir sur ce terrain. N’hésitez pas à en faire usage !

    Ils cherchent à nous enfermer dans la peur et l’isolement, nous avons à inventer de nouvelles formes de lutte et de solidarité !

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