Attention médias : ne pas avaler !
Pour nos rotatives, ça roule !
C’est presque une tradition : quand le Chien Rouge tire la langue, on vous cause aussi de ceux qui nous impriment, MOP, Méditerranée Offset Presse, qui niche à Vitrolles, non loin de Marseille.
On vous en parlait fin 2017 : à l’époque, le propriétaire de MOP, Riccobono, le mastodonte de l’impression en France, avait décidé de fermer le site de Vitrolles. Après une bataille acharnée et un plan social, les salariés ont finalement réussi à conserver leur boîte, hissant l’un d’entre eux à la tête de l’usine et arrachant l’assurance que Riccobono leur sous-traiterait certains contrats.
Une promesse qu’il ne tiendra pas longtemps, puisqu’en 2021 MOP a perdu l’impression de plusieurs journaux nationaux et de la presse hippique. Une manière de priver l’imprimerie d’une part non négligeable de ses rentrées d’argent. Rien de bien surprenant : non content d’avoir installé la holding de son groupe au Luxembourg, d’après L’Alterpresse 68, Riccobono aura fait payer à MOP la location mensuelle de ses rotatives pour un total de 17 millions d’euros sur quinze ans pour une machine en valant à peine quatre...
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Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui les nouvelles sont plutôt bonnes : « Le tribunal de commerce vient d’accepter notre projet de reprise en coopérative », raconte Olivier Lelièvre, responsable légal de la future Scop. Lors de l’audience, le 13 octobre à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), les avocats de Riccobono avaient pourtant estimé que l’offre de rachat des salariés n’était pas recevable. Mais face à la mobilisation des travailleurs, le tribunal en a décidé autrement :« On a réussi à réunir plus de 110 000 euros. Et on va avoir un prêt de 99 000 euros grâce à l’Union régionale des Scop », note Olivier Lelièvre.
Une victoire après des années de bras de fer avec Riccobono, poids-lourd de l’impression des titres nationaux. Toutefois, la tonalité inquiète de la décision du tribunal de commerce indique clairement que nos collègues, qui impriment aussi L’Humanité, La Marseillaise ou L’Âge de faire, restent sur une ligne de crête. En 2016, ils étaient une soixantaine. Aujourd’hui, ils sont moitié moins, et la Scop ne comptera qu’une vingtaine de coopérateurs, qui, de surcroît, ont accepté de renoncer à plusieurs primes. « On sait que ça va être compliqué, reconnaît Olivier Lelièvre. Surtout avec la hausse du coût de l’énergie et des matières premières, en particulier le papier dont la tonne est à plus de 1 000 euros. Mais s’il faut faire des économies, baisser le chauffage et venir en pull, on le fera ! »
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Hormis cette victoire locale encourageante, le monde de l’impression se porte presque aussi mal que celui de la presse. En témoigne la centralisation dans le Var sur un seul site de l’impression de quasi toute la presse de l’est de l’arc méditerranéen, de Nice-Matin à La Provence, à la suite du rachat de ce dernier titre par Rodolphe Saadé, le patron de l’armateur CMA-CGM. Quant à Riccobono, tout en continuant à se diversifier (notamment dans la distribution de la presse), il a confié début 2021 au média spécialisé Culture Papier vouloir « accompagner les éditeurs [de presse] dans leur décroissance ». Rassurant, non ?
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Cet article a été publié dans
CQFD n°214 (novembre 2022)
Dans ce numéro empli de gestes techniques incroyables, un dossier sur le foot business et ses contraires : « On rêvait d’un autre foot ». Mais aussi : la grève des raffineries, le procès-bâillon de BFM TV contre le journaliste Samuel Gontier, un reportage à Lampedusa, un entretien avec le réalisateur Alain Cavalier, un point sur l’extrême droite israélienne... En enfin : un appel à soutien où l’on fait la lumière sur les comptes du journal et les mirifiques salaires de ses rares employés rémunérés…
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Paru dans CQFD n°214 (novembre 2022)
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Mis en ligne le 18.11.2022