Troisième procès Colonna

Orgueil et préjugés

Un port de tête droit et fier. Et des propos qui, s’ils empruntent des chemins de traverse, ne se détournent jamais de leur objectif : faire triompher une vérité. Cette brève description pourrait précéder le portrait de chacun des protagonistes du troisième procès Yvan Colonna. Galerie.
par Berth

Le président de la cour, Hervé Stéphan. Avec sa gueule de Lino Ventura, il est le plus réservé, fonction oblige. Il a jugé le braqueur Antonio Ferrara et participé aux travaux sur la réforme de la procédure pénale. Il conduit les débats avec une sérénité inhabituelle. Après l’échec de ses prédécesseurs Coujard et surtout Wacogne, celui qui enquêta sur la mort de Lady Di aimerait bien devenir le président qui aura réussi à juger Colonna. L’avocate générale, Annie Grenier. Elle mène l’accusation. Cette proche du procureur Jean-Claude Marin est l’une des cibles privilégiées de la défense. Son rôle lors des négociations secrètes menées par Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, avec le FLNC Canal historique est souvent sujet à railleries. Des piques qu’elle ne goûte guère : « Je n’ai jamais servi le café à François Santoni ! », rétorquera-t-elle aux assauts d’Éric Dupond-Moretti.

La famille Érignac. Hormis les audiences où ont été diffusées des photos du crime et de l’autopsie, les proches du préfet n’ont pas manqué un jour du procès. À l’image de Dominique, la veuve, la famille est d’une détermination sans faille. Convaincus de la culpabilité de Colonna, ils n’ont pas hésité, par la voix de leur avocat Me Lemaire, à le traiter de lâche dans les médias.

La famille Colonna. Aussi assidue que la famille Érignac. Il y a le père, Jean-Hugues, le frère, Stéphane, et la sœur, Christine. Très attentifs pendant les débats, ils ne peuvent réfréner leurs protestations quand les parties civiles asticotent un peu trop un témoin favorable à Yvan. « La sœur est très raide », confie un avocat du berger. « Elle ne supporte pas que des journalistes émettent des doutes sur l’innocence de son frère. »

Les avocats de la défense. Sollacaro, Garbarini et Siméoni, assistés de Me Dehapiot et Dupond-Moretti. La dégaine des Affranchis, l’accent du maquis en plus. Fins pénalistes, redoutables rhéteurs, ils ne laissent rien passer, des ratés de l’enquête aux manques d’éléments probants de l’accusation. Courtois avec les avocats des parties civiles, ils leur arrivent de s’emporter au point qu’il fallut quasiment séparer Me Courcelle Labrousse de Me Garbarini lors d’une joute oratoire.

Les enquêteurs. Au premier rang desquels, Roger Marion, alias le « roi Roger », ou « Eagle four » (Il gueule fort). Patron de l’antiterrorisme (DNAT) au moment des faits et à ce titre chargé de l’enquête, ses auditions sont pour lui l’occasion de défendre son enquête et de réaffirmer qu’Yvan Colonna est le tireur. La défense lui reproche de méchantes irrégularités dans la conduite de l’enquête, comme les conditions de gardes à vue émaillées de violences et autres pressions. « L’obtention des aveux, c’est une lutte des consciences, comme disait Sartre », explique-t-il à la barre, tentant de prendre de la hauteur malgré son petit gabarit.

Les témoins oculaires, près d’une dizaine. Présents rue Colonel-Colonna-d’Ornano le soir du 6 février 1998. Tous expriment une certaine lassitude à répéter année après année ce qu’ils ont vu. À l’image de Marie-Ange Contard, témoin-clé qui ne reconnaît pas Yvan Colonna, ils ne supportent plus qu’on mette en doute leurs déclarations. Pour leur troisième déposition devant la cour d’assises, ils ne sont nullement impressionnés et renvoient illico dans les cordes les avocats un peu trop taquins. « Psychologiquement, cette affaire a été éprouvante, même s’il s’agit de la vie d’un homme, il s’agit aussi de la mienne, qui est aussi importante ! », rappellera Mlle Contard à la barre.

Les membres du commando. Ferrandi, Alessandri, Ottaviani, Maranelli, Istria… Leurs témoignages suintent la rancune. Entre révélations à demi-mot, non-dits et digressions, les membres du groupe des anonymes – « un groupe dont on ne dépose pas les statuts à la préfecture », selon Ferrandi – en veulent à Colonna. Parce qu’il n’assume pas son geste ? Parce qu’il a refusé de participer à l’opération au dernier moment ? Parce qu’il les a balancés ? Jusque-là, ils n’ont pas convaincu. Leurs premières déclarations en garde à vue, où ils accusent Colonna d’être le tireur, sont dans toutes les têtes. « Son discours radical nous a incités à faire ce qu’on a fait. L’homme qu’il était aurait dû participer », explique Alessandri à la barre.

Yvan Colonna. « S’il n’a jamais condamné l’assassinat du préfet, c’est à cause d’un orgueil mal placé », explique l’un de ses conseils. Après quatre ans de cavale et plus de huit ans en prison, Yvan Colonna ne supporte plus d’être un éternel présumé coupable. À Me Lemaire, qui le cherche sur les raisons de sa cavale, le berger répond en hurlant dans le micro : « Vous m’avez traité de lâche pas plus tard que dimanche. Mais vous, vous êtes courageux de m’insulter alors que je suis dans le box ? » Un ange passe. « On me parle d’honneur corse, mais il n’y a pas d’honneur corse, l’honneur, c’est universel. Je n’ai jamais tué votre mari, madame. »

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Paru dans CQFD n°90 (juin 2011)
Par Simon Piel
Illustré par Berth

Mis en ligne le 26.08.2011