Flash Ball

Non létale, mon œil !

Le 27 décembre 2007, quelques centaines d’étudiants manifestent contre la loi LRU dans les rues de Nantes. Arrivés devant le rectorat, après que certains d’entre eux ont réussi à écarter le grillage d’enceinte, ils pénètrent dans le parc qui entoure le bâtiment administratif. Le commissaire Monard1, directeur départemental de la sécurité publique, envoie ses troupes composées de gendarmes mobiles, de flics cagoulés des Compagnies départementales d’intervention et de cow-boys de la Bac. Ils encerclent les manifestants et les repoussent à l’extérieur par un portail. Deux ou trois projectiles seraient alors partis depuis les rangs étudiants. Aussitôt, des policiers tirent des balles en caoutchouc à travers les grilles. Deux jeunes sont touchés en pleine tête. Un troisième perdra un œil2.

Jugé devant le tribunal correctionnel de Nantes début mars, l’auteur « présumé » de cette grave blessure a été finalement relaxé le 3 avril. Si cet agent de police judiciaire, Mathieu Leglise, reconnaît avoir tiré avec son arme, un LBD 403, il nie catégoriquement être le responsable du tir qui a gravement blessé Pierre Douillard, alors âgé de seize ans. Impossible de le désigner comme coupable, puisque ce flic portait une cagoule comme cela semble être souvent le cas pour les sbires armés de Flash Ball ou autres armes dite non létales. De plus, selon le jugement du tribunal, le courageux policier n’a fait « qu’exécuter un ordre de sa hiérarchie » et, ainsi que le précise la loi, « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». D’ailleurs, l’arrêt de justice rappelle, comme une adresse aux utilisateurs de pistolets à eau, que « dès lors qu’il y a jet de projectile, les conditions de la légitime défense sont nécessairement réunies, que, dans ce cas de figure, il n’y a pas alors lieu de s’intéresser de manière différenciée à la question de la proportionnalité de la riposte à la menace ni à celle de la nécessité de l’usage de l’arme… »

Mais cette décision de justice n’aura pas fait que disculper, une fois de plus, un de ces courageux policiers. Si ce n’est la jurisprudence qu’elle risque de créer pour les nombreuses personnes éborgnées par balles non létales, la blessure présumé provoquée par l’agent Leglise aura contribué à affiner l’armement policier. Car à l’époque des faits, le LBD 40 était en phase d’expérimentation dans les services de police. Sa fiche technique le décrivait comme étant à « létalité réduite ». Les performances de son viseur électronique, permettant « à la fois d’estimer la distance de tir et de déterminer le point d’impact », ont montré quelques faiblesses puisque le fait d’avoir énuclé un manifestant résulte du plus grand des hasards… De plus, selon les termes de l’arrêt du tribunal, le policier ne « pouvait savoir que la munition utilisée était susceptible de causer des atteintes aussi graves que celles d’un Flash Ball traditionnel… » Et de conclure : « Il a fallu le drame du 27 novembre 2007 pour que soit mis en évidence le fait que, tout comme un tir de Flash Ball, une balle de LBD pouvait causer la perte de l’usage d’un œil. » Comme quoi, les manifestations et autres rassemblements sont de véritables viviers à cobayes…


1 Promu en 2011 conseiller de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur…

2 Cf. CQFD n° 98.

3 Lanceur de balles de défense.

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1 commentaire
  • 11 mai 2012, 13:09

    Bonjour, un inédit de Michel Foucault présente une saisissante synthèse de ce que peut être un rapport offensif à la légalité et aux institutions chargées de la mettre en oeuvre : « Se défendre ».

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