Ça brûle
Mais qu’est-ce qu’on attend ?
On vous le dit tout net : on est un peu jaloux. Nous qu’on galère comme des oufs à maintenir l’équilibre financier de ce journal alors qu’on fonctionne essentiellement à l’huile de coude, on aimerait bien un grand raz-de-marée financier pour nous soutenir. Mais rien, que tchi, tout le monde s’en bat la breloque du Chien rouge. Et là, t’as trois poutres qui flambent, une flèche gothique qui tombe, Stéphane Bern qui chiale, et le monde entier balance du flouze. Et pas qu’un peu : les promesses de dons pour reconstruire la cathédrale de Paris ont allègrement dépassé le PIB des Comores (source : FMI, 2018).
Dès lors, on a cogité. Et si on faisait la même ? L’idée semblait bonne. Notre twittomane en chef s’est donc précipité sur l’Internet mondial pour annoncer la nouvelle : « Devant la somme collectée pour Notre-Dame, nous venons de décider de foutre le feu au local du journal... » Un tweet qui a fait mouche, provoquant quelques jolies réponses : « Je m’engage à verser 20 centimes et à renoncer à ma déduction fiscale » ; « Sauvez les reliques !! (bières, chips, toussa…) » ; « Gaffe aux derniers cheveux de Bobby, extrêmement inflammables ! »
Grand succès d’estime, donc. Mais ça n’a pas suffi. Pour l’heure, pas de chèque à la François Pinault pour les François Pignon que nous sommes. Depuis peu, nous avons pourtant une page sur le site HelloAsso, où les patrons du Cac40 peuvent faire des dons et même s’abonner au journal sans timbre-poste. Problème : ils nous lisent peu, préférant rester scotchés au bras d’Emmanuel Macron à humer l’air divin de Notre-Dame en ruine. Crève-la-faim qu’ils sont, on les comprend un peu : comme disait Cavanna, « Dieu est généralement inodore à la température ordinaire. Mais si l’on présente pendant quelques secondes une hostie au-dessus de la flamme d’un réchaud à gaz, on perçoit bientôt une délicieuse odeur de pain grillé. »
Oh, ces braves milliardaires, quel pied olfactif ils ont dû prendre en respirant ce délicieux fumet ! Si leur plaisir nous importe évidemment, on est restés un peu amers : personne ne nous a pris au sérieux. Et c’est le cœur lourd face à l’indifférence générale qu’on passe à l’étape suivante, l’ultimatum : si d’ici le 15 mai nous n’avons pas atteint le milliard de pesos, on fout le feu aux classeurs de compta’ du Vé histoire de réduire notre grotte marseillaise en cendres, woush. Avec le plein assentiment de Cécile, notre graphiste, qui rêve chaque nuit à la destruction de l’ordinateur antédiluvien qu’elle est obligée d’utiliser pour mettre en page ce journal depuis qu’un coquin lui a fauché son Mac – « ’tain, y avait mes codes Pôle emploi dedans ! »
Pis c’est raccord avec notre dossier rap. Car c’est bien Suprême NTM qui chantait ceci en 1995 : « Mais qu’est-ce, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? Mais qu’est-ce qu’on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ? »
Dont acte.
Cet article a été publié dans
CQFD n°176 (mai 2019)
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Paru dans CQFD n°176 (mai 2019)
Dans la rubrique Ça brûle !
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Mis en ligne le 03.05.2019
Dans CQFD n°176 (mai 2019)
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