La transparence nucléaire ? Un oxymore !
Les 17 et 18 septembre, EDF organise des journées portes ouvertes pour que tout un chacun puisse contempler d’un peu plus près ces centrales nucléaires si propres et si sûres. Plus de 10 000 visiteurs sont attendus, mais pas n’importe lesquels : ceux soigneusement triés sur le volet par les services de renseignements préfectoraux.
« Allô, ici EDF. Vous vous êtes inscrit à nos Journées de l’industrie, c’est ça ? Eh bien, la préfecture nous fait savoir que vous n’avez pas le droit d’entrer sur notre site. On ne connaît pas les raisons, peut-être avez-vous un casier judiciaire ?– Euh… non, c’est étrange… » Clac ! Fin de l’opération transparence.
Il semble donc que le fichage des malveillants – tel le pauvre petit rédacteur d’un canard local indépendant – fonctionne à plein. Pourtant, nous l’avions cru, Henri Proglio, le patron de cette « industrie de haute technologie qui met en œuvre des savoir-faire de pointe » : « Les équipes d’EDF seront heureuses de vous accueillir et d’échanger avec vous sur ce passionnant métier de l’électricité. » Raté. Nous aurions pu nous en douter, tellement les conditions étaient draconiennes : « Pour des raisons de sécurité, il vous est demandé de porter des chaussures plates et fermées, une paire de chaussettes, des manches longues et un pantalon. […] Par mesure de sécurité, certaines vérifications sont effectuées avant de permettre à une personne d’accéder à un site de production, ces vérifications sont faites en lien avec les autorités françaises. » Nom, prénom, âge, adresses mail et postale, téléphone, photocopie de la carte d’identité, notre transparence est totale. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. L’on peut lire dans le courriel qu’EDF nous a envoyé pour nous enjoindre de les rappeler : « Toute utilisation de ce message non conforme à sa destination, toute diffusion ou toute publication totale ou partielle, est interdite sauf autorisation expresse. Si vous n’êtes pas le destinataire de ce message, il vous est interdit de le copier, de le faire suivre, de le divulguer ou d’en utiliser tout ou partie. Si vous avez reçu ce message par erreur, merci de le supprimer de votre système, ainsi que toutes ses copies, et de n’en garder aucune trace sur quelque support que ce soit. » Trop tard. Il fallait nous accréditer pour la visite. Non mais.
Cet article a été publié dans
CQFD n°92 (septembre 2011)
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Paru dans CQFD n°92 (septembre 2011)
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Mis en ligne le 15.09.2011
Dans CQFD n°92 (septembre 2011)
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3 octobre 2011, 18:54, par albert
C’est marrant je suis allé visité celle de Tricastin à cette occasion et on ne m’a rien demandé (sauf la photocopie de carte ID... j’estime que ça reste normal) Ceci dit je n’ai pas pu voir la cuve du réacteur directement donc on nous a peut être caché quelque chose quand même !
3 octobre 2011, 22:06
Bonjour, Nous avions conviés un journaliste avec nous. Voici, ci-après, ce que ça a donné dans le quotidien local le lendemain. Serge EELV Poitiers.
Quand les écologistes vont ferrailler à la centrale
http://www.lanouvellerepublique.fr/...
Profitant des Journées du patrimoine, un groupe d’écologistes visitait hier [le 17 septembre, ndlr] la centrale de Civaux. Ils se sont frottés à la réalité nucléaire vue par EDF.
Nous sommes ravis d’accueillir des opposants au nucléaire, des gens qui s’intéressent. L’accueil de Jean-Marcel Couteau est chaleureux à l’endroit du « groupe d’amis » de Jean-Luc Herpin. Ces « amis » ne viennent pas avec l’étendard d’une association écologiste mais ne cachent pas leur opposition au nucléaire. « Mais nous ne sommes pas là pour débattre du choix des électeurs pour la filière nucléaire. Si c’est le cas, on arrête la visite », prévient le chargé de communication de la centrale. « Il n’y a pas eu de référendum pour le nucléaire », s’insurge un participant. « Si un gouvernement écologiste est élu, cela aura forcément une incidence sur la politique énergétique française », rétorque l’homme d’EDF. La visite, organisée dans le cadre des Journées du patrimoine rebaptisées en l’occurrence « Journée de l’industrie électrique EDF », suit le même circuit que les 450 autres visiteurs du week-end. Mais elle prend un peu plus de temps. Car même sans débattre, ces visiteurs-là ont des tas de questions sur le volume de combustible nucléaire présent sur le site, le destin des déchets nucléaires, les prélèvements en eau sur la Vienne, les seuils de rejets, la sécurité de la centrale et du nucléaire...
Dialogue de sourds
Jean-Marcel Couteau et Patrick Vaillant, ingénieur en charge de l’Environnement à la centrale, répondent sur le volet technique en s’efforçant de couper court aux débats politiques. Mais l’exaspération est parfois perceptible des deux côtés. L’un reproche à l’autre de ne pas écouter. L’autre lui reproche son imprécision ou son parti pris. Les « amis » de Jean-Luc Herpin remettent en cause chaque information qu’on leur livre, l’efficacité des mesures de sécurité, les régimes de faveur dont bénéficierait le nucléaire. « Contrairement à l’agriculture, le nucléaire n’a subi aucune restriction de prélèvement d’eau cet été. » « Faux », répond Patrick Vaillant. « La centrale est un usager de la Vienne comme les autres. » « Je suis encore moins convaincu qu’avant », résume un visiteur en sortant de la salle des machines. « Comment peut-on avoir de telles certitudes ? » Au moins, personne ne pourra reprocher à ces écologistes-là de ne pas avoir eu la curiosité de s’informer sur place.
Dominique Guinefoleau