« L’humanité est une et infinité »

L’occidentalisme n’est pas un humanisme

Pour la troisième fois consécutive, les Éditions Libres publient Portrait du colonialiste : l’effet boomerang de sa violence et de ses destructions de l’anthropologue Jérémie Piolat. Cette fois, il est agrémenté d’un ultime chapitre de l’auteur et d’une postface implacable signée Jacinthe Mazzocchetti.

« Que nous est-il arrivé ? » : c’est la question posée par Jérémie Piolat tout au long de son essai. L’ancien danseur professionnel et aujourd’hui docteur en sciences politiques et sociales constate avec effroi : les cultures populaires Européennes de l’ouest ont disparu. À part quelques îlots de résistance (comme la Corse), les langues, danses et chants traditionnels sont tombés dans l’oubli. Mais point de chauvinisme nostalgique chez l’auteur. Ce qu’il dénonce, c’est un mal bien plus vaste.

Le jacobinisme et les prémices de l’État-nation ont ravagé les liens des peuples avec leur terre. Celle-ci est réquisitionnée pour répondre aux demandes du marché et les communautés qui s’y trouvent se disloquent. Dans une interview1 réalisée par notre cher Bruno Le Dantec, Piolat expliquait : « Sans cette série de ravages, le développement capitaliste n’aurait pas été concevable. Il fallait apprendre aux peuples à mépriser tout ce que le capitalisme a besoin de ravager pour se développer. La colonisation, sous sa forme moderne, a été fondée ici avant de s’exporter avec les violences et les horreurs que l’on sait  ».

En effet, si les préjudices causés par la colonisation sur les cultures et les psychés des « extra-Occidentaux » sont bien connus, il est moins évident de voir à quel point ils ont œuvré aussi ici. C’est justement ce que Piolat entreprend de décrire. Il analyse le rapport au corps – notamment la danse et le chant – la parentalité ou le placement des personnes âgées en maison de retraite, et démontre tout ce que le capitalisme nous a fait perdre de liens communautaires. Et si ces conséquences ne sont pas conscientisées, c’est à cause d’un déni à grande échelle.

Le dernier chapitre de cette édition développe le mythe d’une supériorité morale : « l’occidentalisme ». Un concept qu’il définit comme « l’idéologie et la pratique politique qui tendent à placer l’Occident [...] au centre et en haut du monde ». Cette conception hiérarchisée du monde fait de l’Occident l’épicentre du racisme. L’écriture de ce chapitre en avril 2024 est d’ailleurs concomitante aux crimes de masse commis en Palestine par Israël, avec le soutien des Occidentaux. Le colonialisme perdure. Pour y mettre un terme, rompre avec l’occidentalisme est une nécessité.

Inès Atek

1 Lire « La colonisation a commencé ici », CQFD n°100 (mai 2012).

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Cet article a été publié dans

CQFD n°235 (novembre 2024)

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