Lu dans…El Salto
En Espagne, user les mobilisations
[L’article est disponible en intégralité en espagnol sur le site de El Salto Detenciones con ecos del pasado ]
[…] En 2013 et 2014, les articles et déclarations institutionnelles associant au terrorisme l’anarchisme et le fait d’être « antisystème » se sont multipliés. On voyait passer des titres alarmistes tels que : « Le terrorisme anarchiste copie Al-Qaïda » (El País, 16 novembre 2013) ou « Cosidó [le directeur général de la police de l’époque] dit que le terrorisme anarchiste s’est implanté en Espagne et qu’il y a un risque d’attentats » (Europa Press, 12 juin 2014). […] Quelques mois après la publication de ces articles, la police a mené les opérations Pandora, Piñata, Pandora 2 et Ice, qui ont abouti à l’arrestation de dizaines d’anarchistes, dont certain·es ont été placé·es en détention provisoire. On découvrira après coup qu’il n’y avait pas la moindre preuve incriminant les personnes arrêtées. Des années plus tard, toutes ces affaires seront classées ou se solderont par des acquittements. Il n’y a eu aucune condamnation. Bien que les accusations de la police se soient dégonflées, les arrestations ont eu un effet démobilisateur. Comme l’indique le rapport annuel [du ministère public sur la criminalité en 2022], « la perte d’initiative de ces groupes violents, due en partie à l’action de la justice, a conduit à ce qu’une grande partie de leur activité se concentre sur ce qu’on appelle la “lutte contre la répression”. La mobilisation en réponse aux procédures judiciaires absorbe la majeure partie des ressources de ces groupes ». Les esprits caustiques pourraient penser que l’objectif de ce type d’opération policière n’est pas tant d’aboutir à la condamnation des personnes impliquées, mais plutôt de démanteler la capacité de protestation et de confrontation de citoyen·es politisé·es. En outre, il y a un effet criminalisant et marginalisant sur ces activistes et leur forme de critique sociale, puisque l’opinion publique a tendance à associer les arrestations policières au fait de commettre des crimes – en dépit du fait que ces crimes ne peuvent pas être prouvés devant un tribunal. Logique : la presse ne fait pas de gros titres sur les classements sans suite… Au vu des précédents de 2014-2015, on pouvait légitimement penser qu’après la criminalisation médiatique de septembre, certains groupes se réclamant d’une forme d’« écologie radicale » pourraient faire l’objet de persécutions policières et judiciaires. Comme le disait Mark Twain, « l’histoire ne se répète pas, mais elle rime ». Cette éventualité a été confirmée le 1er décembre, lorsque la brigade provinciale d’information de la police nationale de Madrid a arrêté certain·es militant·es présumé·es de Futuro Vegetal pour « appartenance à une organisation criminelle ». Nous ne connaissons pas l’affaire au-delà de ce qui est paru dans les médias, mais il est frappant de constater que la mécanique, une fois de plus, est la même : une accusation institutionnelle publique, suivie d’arrestations policières quelques mois plus tard. Des arrestations qui, soit dit en passant, coïncident avec le début du sommet sur le climat à Dubaï (COP28). Il s’agit certainement d’un pur hasard.
Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.
Nous, c’est CQFD, plusieurs fois élu « meilleur journal marseillais du Monde » par des jurys férocement impartiaux. Plus de vingt ans qu’on existe et qu’on aboie dans les kiosques en totale indépendance. Le hic, c’est qu’on fonctionne avec une économie de bouts de ficelle et que la situation financière des journaux pirates de notre genre est chaque jour plus difficile : la vente de journaux papier n’a pas exactement le vent en poupe… tout en n’ayant pas encore atteint le stade ô combien stylé du vintage. Bref, si vous souhaitez que ce journal puisse continuer à exister et que vous rêvez par la même occas’ de booster votre karma libertaire, on a besoin de vous : abonnez-vous, abonnez vos tatas et vos canaris, achetez nous en kiosque, diffusez-nous en manif, cafés, bibliothèque ou en librairie, faites notre pub sur la toile, partagez nos posts insta, répercutez-nous, faites nous des dons, achetez nos t-shirts, nos livres, ou simplement envoyez nous des bisous de soutien car la bise souffle, froide et pernicieuse.
Tout cela se passe ici : ABONNEMENT et ici : PAGE HELLO ASSO.
Merci mille fois pour votre soutien !
Cet article a été publié dans
CQFD n° 227 (février 2024)
Ce numéro 227 signe le retour des grands dossiers thématiques ! « Qui sème la terreur ? », voici la question au programme de notre focus « antiterrorisme versus luttes sociales ». 16 pages en rab ! Hors-dossier, on décrypte aussi l’atmosphère antiféministe ambiante, on interroge le bien-fondé du terme « génocide » pour évoquer les massacres à Gaza, on retourne au lycée (pro) et on écoute Hugo TSR en cramant des trucs.
Trouver un point de venteJe veux m'abonner
Faire un don
Paru dans CQFD n° 227 (février 2024)
Mis en ligne le 23.02.2024