L’anthropologue réintroduit du lien entre ces divers mouvements de révolte, là où, souvent, la gauche ne sait pas le faire. Le point commun entre ces luttes ? La violence d’État à laquelle elles font face et la surdité assassine qui s’abat sur elles – sous des formes judiciaires, policières, constitutionnelles. Il pose le constat acéré d’un État radicalisé qui organise la pénurie et favorise les extrêmes droites via un « néolibéralisme violent et autocratique […] compatible avec les formes les plus dictatoriales de gouvernement ». Un système qui exalte la haine et la police. Mais on entrevoit qu’à la montée des extrêmes droites s’oppose une vague exponentielle : celle des soulèvements populaires.
Son diagnostic n’épargne pas les « écuries électorales » de la gauche institutionnelle, et sa lucidité décape : « Les partis de gauche, prisonniers des logiques électorales et de l’agenda parlementaire, y perdent plus ou moins vite leurs racines populaires. [La critique qui leur est adressée du] “tous les mêmes” s’appuie sur l’expérience populaire internationale des trahisons sociales-démocrates. Candidats du pouvoir, ils sont contaminés par sa surdité sociale et politique. En mal de respectabilité, ils sont soumis à la pression du nouveau consensus “républicain”. Certains s’obstinent à résister au pouvoir, à déconstruire ses récits et ses mensonges [mais] les peuples se lassent. »
On aperçoit entre les lignes un futur trash (déjà présent) où le nécro-libéralisme associé aux nouveaux fascismes continuerait de dégommer voire d’interdire l’acte de penser ; où le monde, tel un isoloir, achèverait de nous reclure dans une commune malédiction. Il faut donc que nous en sortions, et qu’aussi nous en débordions, car comme nous dit l’ami Bertho : « Sans une organisation démocratique de l’unité populaire qui déborde et contraigne les organisations existantes, sans cette démocratie réelle des corps et des paroles confrontées, sans une délibération permanente d’assemblées, de forums et d’agoras, aucun barrage ne nous protégera de la tourmente qui ne fait que commencer. »
[/Par LeÏla Chaix/]