Rage collective

Déborder les écuries électorales

Dans son dernier ouvrage, De l’émeute à la démocratie, Alain Bertho revient sur les révoltes récentes, signes de la résistance des peuples. Face à une succession de défaites, il s’agit de sortir de notre impuissance politique… en soufflant sur les braises !
La Dispute

Avec sa vision transversale des luttes, ce livre d’Alain Bertho, De l’émeute à la démocratie (La dispute, avril 2024), rend leur dignité aux émotions populaires. Au-delà de l’impasse stratégique apparaît une foi intense envers la colère collective qui nous active. Sorte de street-anthropologie des insurrections ordinaires qui déforment le quotidien et tentent de fabriquer des mondes, on y revoit les forums sociaux mondiaux du mouvement altermondialiste (2001-2018), les barricades des Gilets jaunes (2018) ; on revit aussi les émeutes de l’été dernier suite à l’assassinat de Nahel, elles-mêmes précédées de l’énorme mobilisation contre la réforme des retraites et des actions à Sainte-Soline. On retrouve enfin les contestations populaires des printemps arabes (2011), les manifestations chiliennes (2019) – et tristement, évidemment : la Palestine.

L’anthropologue réintroduit du lien entre ces divers mouvements de révolte, là où, souvent, la gauche ne sait pas le faire. Le point commun entre ces luttes ? La violence d’État à laquelle elles font face et la surdité assassine qui s’abat sur elles – sous des formes judiciaires, policières, constitutionnelles. Il pose le constat acéré d’un État radicalisé qui organise la pénurie et favorise les extrêmes droites via un « néolibéralisme violent et autocratique […] compatible avec les formes les plus dictatoriales de gouvernement ». Un système qui exalte la haine et la police. Mais on entrevoit qu’à la montée des extrêmes droites s’oppose une vague exponentielle : celle des soulèvements populaires.

Son diagnostic n’épargne pas les « écuries électorales  » de la gauche institutionnelle, et sa lucidité décape : « Les partis de gauche, prisonniers des logiques électorales et de l’agenda parlementaire, y perdent plus ou moins vite leurs racines populaires. [La critique qui leur est adressée du] “tous les mêmes” s’appuie sur l’expérience populaire internationale des trahisons sociales-démocrates. Candidats du pouvoir, ils sont contaminés par sa surdité sociale et politique. En mal de respectabilité, ils sont soumis à la pression du nouveau consensus “républicain”. Certains s’obstinent à résister au pouvoir, à déconstruire ses récits et ses mensonges [mais] les peuples se lassent. »

On aperçoit entre les lignes un futur trash (déjà présent) où le nécro-libéralisme associé aux nouveaux fascismes continuerait de dégommer voire d’interdire l’acte de penser ; où le monde, tel un isoloir, achèverait de nous reclure dans une commune malédiction. Il faut donc que nous en sortions, et qu’aussi nous en débordions, car comme nous dit l’ami Bertho : « Sans une organisation démocratique de l’unité populaire qui déborde et contraigne les organisations existantes, sans cette démocratie réelle des corps et des paroles confrontées, sans une délibération permanente d’assemblées, de forums et d’agoras, aucun barrage ne nous protégera de la tourmente qui ne fait que commencer. »

Par LeÏla Chaix
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CQFD n°232 (juillet-août 2024)

Dans ce n° 232, un méga dossier spécial « Flemme olympique : moins haut, moins vite, moins fort », dans l’esprit de la saison, réhabilite notre point de vue de grosse feignasse. Hors dossier, on s’intéresse au fascisme en Europe face à la vague brune, on découvre la division des supporters du FC Sankt Pauli autour du mouvement antideutsch, on fait un tour aux manifs contre l’A69 et on découvre les Hussardes noires, ces enseignantes engagées de la fin du XIXe, avant de lire son horoscope, mitonné par le professeur Xanax qui fait son grand retour !

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