Ça brûle - n°211

Chichille à jamais dans nos cœurs

Un seul volatile vous manque et tout est déplumé.

Un seul volatile vous manque et tout est déplumé, dit-on dans les volières. Alors quand le piaf en question est notre graphiste et super camarade Cécile Kiefer, dite Chichille, pilier de la rédaction et maousse amie, son départ annoncé suscite un concert de pépiements éplorés à faire sangloter le plus insensible des huissiers à gueule de corbeau sec. Car oui, pour cause de nouveaux horizons pro’ bien chouettes, Cécile passe la main à la rentrée niveau maquette et gestion des illustrations. Séisme dans les chaumières et dans nos cœurs.

Alors que ces lignes sont pianotées d’une main émue et que les bouteilles de Gaillac perlé tombent au champ d’honneur, la concernée peaufine les titrailles et la mise en page du numéro que tu tiens entre les mains. Tel Michel-Ange fignolant la chapelle Sixtine (si Michel-Ange avait été une punk à chien fan de Cabrel), elle est à la fois concentrée et déter’, consciente que l’heure est historique. Installée à sa place iconique sous le grand chien rouge en papier mâché, au côté de Teubi le grand pénis gonflable rebondissant, elle fait semblant d’ignorer qu’on écrit dans son dos ce « Ça brûle » sur sa pomme – mais c’est grillé de chez grillé, avec cette grosse poussière qu’on a tous dans l’œil, satané sable qui s’incruste.

Cécile, ça fait bientôt cinq ans qu’elle turbine avec CQFD, soit une soixantaine de numéros graphiquement accouchés par ses soins et tant de couv’ de maboul par elles dessinées – dont ces hits ultra-patates : « Gilets jaunes, l’autre couleur de la colère » (n° 172, janvier 2019) ou « Ouvrez, ouvrez la cage aux minots » (n° 191, octobre 2020). Sans compter tous les articles qu’elle écrit, les dossiers qu’elle porte, sa présence frénétique aux réu’ où elle sanctionne (hélas non sans perfidie) nos faux pas vestimentaires ou humoristiques... Ne pas oublier non plus son talent de coiffeuse, dont peuvent témoigner certains membres de la rédac’, et qui se singularise notamment par une appétence pour le registre « coupe médiévale stylée » – si jamais surgissait un jour un salon de coiffure « Cécile Kif’Hair », nous n’en serions guère surpris... Bref, c’est le sang de la veine, John Lennon dans les Beatles, la cuillère dans notre soupe au pistou.

Si son éloignement est un crève-cœur, pas d’affolement, elle continuera à participer au canard et à accompagner nos apéros – elle y tient, nom d’un héron ivre. Mais c’est vrai, une page se tourne, et pas des moindres. Décidés à marquer le coup, on prépare une belle surprise pour sa dernière. Au programme : sept éléphants d’Asie, une barrique de mezcal, une troupe de danseurs du ventre ouzbeks et un gênant sosie géant (à cette heure déjà complètement pété au schnaps) de son idole Michel Berger. Et, comme dans les clubs de foot avec leurs joueurs fétiches, jamais plus son numéro (le 1312) n’ornera nos maillots. Snif.

Ceci dit, ça fait bientôt vingt piges que la flamme du Chien rouge se transmet sans faiblir, et on a la joie de t’annoncer qu’à partir de la rentrée c’est l’ami Adrien, transfuge de la revue Z et d’autres projets copains, qui reprend le flambeau. Le canard évoluera sans doute un peu ou beaucoup, ce qu’on kiffe d’avance – on n’est pas du genre à se cramponner à la nostalgie, camarade. Bienvenue à lui et courage à son foie !

Sur ce, on vous laisse, les éléphants foutent le dawa et chient partout dans le local, c’est la de-mer.

Big up à Denis L., qui livre dans ce numéro sa dernière chronique « Je vous écris de l’Ehpad ». Pendant vingt numéros, il a témoigné dans CQFD des expériences, réflexions et émotions suscitées par son travail auprès de personnes âgées dépendantes. Ce n’est qu’un au revoir ?

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CQFD n°211 (juillet-août 2022)

Dans ce numéro d’été à visage psychotropé, un long et pimpant dossier « Schnouf qui peut » qui se plonge dans nos addictions, leurs élans et leurs impasses. Mais aussi : un reportage sur la Bretagne sous le joug d’une gentrification retorse, une analyse du quotidien de sans-papiers vivant « sous la menace », le récit d’une belle occupation d’usine à Florence, des jeux d’été bien achalandés, des cuites d’enfer, la dernière chronique « Je vous écris de l’Ehpad », des champignons magiques gobés avec des écrivains...

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