Ça brûle !
Cabrel rédac-chef
D’où je gis, la lippe pendante et la gueule de bois au coin des cernes, je le vois qui s’agite comme un forcené. Fendant l’air du bras quand il y a un passage particulièrement émouvant – « Je te donne toutes mes différences / Tous ces défauts qui sont autant de chances ». Tapant du pied pour marquer le rythme. Fondamentalement tête à claques. Il a beau avoir enfilé un casque, il écoute ses playlist chansons-françaises-nazes à un volume tellement élevé que tout le monde dans le local peut en « profiter », moi le premier. « La Corrida » de Cabrel succède à « Je te donne » de Goldman, suivi du célèbre tube d’un suisse sous Prozac, « Laissez-moi s’il vous plaît manger mon petit-déjeuner en paix » ou quelque chose comme ça.
Bref, le secrétaire de rédac’ a des goûts musicaux de chiotte, à un point tel que c’en devient gênant. Et il n’est pas le seul. La maquettiste avachie au bureau à côté oscille entre Véronique Sanson et PNL, sortant parfois de son autisme pour balancer du « bon son » : « Ça, c’est du Vitaa, tu vois. La meuf est périmée, mais à l’époque elle a fait des très bons duos avec Diam’s. » Et de s’extasier : « Oh, dis donc, Maître Gim’s a repris ‘‘Bella Ciao’’, ça tue ! » Ouaip, ça tue. File-moi un flingue, meuf, qu’on en finisse.
Les autres protagonistes ont depuis longtemps baissé les bras, laissant aux deux nuisibles l’exclusivité de l’ambiance sonore des bouclages. Hervé hausse parfois les épaules en rythme quand Cabrel empiète sur son territoire sonore – « Ils sortent d’où ces acrobates / Avec leurs costumes de papier ? ». Mais dans l’ensemble, il subit grave. Idem pour Bruno, Iffik ou Gina, qui ont plutôt bon goût en matière de zique, mais appartiennent à la génération d’avant, celle qui n’a toujours pas compris comment on enfile un vinyle dans un ordinateur. Votre serviteur pas sorti de l’adolescence a bien tenté de balancer du Sonic Youth, mais tout le monde a hurlé en lui jetant des fournitures de bureau à la gueule, alors il déprime.
Ceci est donc le SOS d’un terrien en détresse : est-ce qu’il y aurait des gens avec un minimum de goût musical qui voudraient s’impliquer dans ce journal ? N’hésitez pas, il y a des Haribos gratos. Et promis, si quelqu’un me sauve de cet enfer, je l’aimais, je l’aime et je l’aimerai.
Cet article a été publié dans
CQFD n°166 (juin 2018)
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Paru dans CQFD n°166 (juin 2018)
Dans la rubrique Ça brûle !
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Mis en ligne le 01.06.2018
Dans CQFD n°166 (juin 2018)
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