Presse libre en danger : « Spéciale dédicace »

Presse libre : Les amis du Ravi

Depuis 12 ans, Le Ravi décrypte, dans une veine souvent satirique, les tortueux arcanes de la politique provençale. Son indépendance éditoriale, pas tout à fait étrangère à ses actuels déboires financiers1, mérite bien que CQFD lui consacre sa page 16, en allant à la rencontre de ses soutiens et en co-publiant une de ses enquêtes (à paraitre demain sur notre site).
Par Charmag.

Certains s’engagent pour sauver les baleines, ou les bébés phoques, d’autres pour protéger les tritons des zones humides. Mais ceux-là se sont engagés pour sauver et soutenir un canard d’« enquête et satire en Paca ». Rencontres avec des lecteurs du Ravi qui ne baissent pas les bras.

Premier rendez-vous : Christine, la présidente de l’asso des Amis du Ravi et Alain, son compagnon, nous ont donné rendez-vous à l’Équitable Café. Quarantaine pimpante, le couple de chercheurs en biologie pour le CNRS, installé depuis 2010 à Marseille, avoue d’emblée : «  On est à gauche depuis qu’on vote. » Mais au lieu de se recentrer politiquement avec les années, ils ont glissé de plus en plus à gauche : du PS d’abord puis vers Attac, puis le contre-G8 d’Annemasse, le festival Jolie Môme… Alain : «  C’est une sorte de maturation. » Christine : «  Avec de nouvelles sensibilités comme la décroissance. » Alain s’excuse presque : « J’étais abonné à Libé, je sais, c’est un peu honteux. » Et Christine d’ajouter qu’ils ont aussi rompu avec Télérama : « De la pub une page sur deux… Je ne supporte plus. » Et Le Ravi ? « On connaissait pas plus que ça, glisse Christine. On a rencontré Nicolas Meunier2 et Sébastien Boistel3 en 2012, lors du festival Paroles de Galère. On a tout de suite sympathisé et on s’est abonnés. S’abonner, c’était déjà un geste de soutien.  »

Pour le second rendez-vous, changement d’ambiance. On rencontre Nicolas dans un bar-tabac un peu miteux. Le jeune homme qui, à 31 ans, s’est décidé à entreprendre des études qu’il avait abandonnées avant le bac, connaissait CQFD et Le Ravi avant de venir à Marseille, en août dernier, « par amour ». Il aime la presse papier sans pub, la critique sociale, défendre ses idéaux, l’écologie politique… Il prévient tout de suite : « Je ne suis pas un stakhanoviste du travail ! Et je me suis fait avoir ! J’étais allé écouter un colloque à Aix, sur la corruption, où intervenait Sébastien Boistel. Il a dit que le Ravi avait besoin de bénévoles et… Hop ! Me voilà embarqué. Je me pointe à ma première réunion… Et c’est là qu’on apprend le dépôt de bilan. Merde, je me dis ! Quel coup fourré !  »

Quoi de commun entre ces trois amis du Ravi ? Entre le couple de chercheurs qu’on caricaturerait trop rapidement de bobos et Nicolas, le jeune « gauchiste hétérodoxe » comme il se décrit lui-même ? Peut-être d’abord la simple envie de « faire quelque chose ». « Pour sortir de ce qu’on fait au quotidien, on a décrété qu’on ferait du bénévolat ! C’est terrible, mais dans les labos on est de moins en moins politisés, on ne trouve plus personne avec qui parler de ce qu’il se passe autour de nous », explique Alain. Autre point commun, avec Le Ravi, ils trouvent tous les trois un journal qui leur permet de mieux saisir le système politique de la région où ils se sont installés : les enjeux particuliers du clientélisme, la menace du FN omniprésente… Christine : « Quand t’habites quelque part, il faut que tu t’intéresses à la politique locale. » Et plus encore, c’est le souci d’avoir une presse indépendante qui les unit. « On a la presse qu’on mérite. Je ne peux pas me plaindre si je n’y mets pas du mien », nous explique Nicolas.

Mais une asso de lecteurs comme celle-là pourrait-elle, à terme, devenir plus qu’un soutien logistique pour le journal ? Influencer son contenu ? Infléchir sa ligne éditoriale ? À ces questions, ils sont aussi d’accord pour répondre qu’ils séparent leur action de celle de la rédaction du Ravi. « Être journaliste, c’est un métier. J’ai pas envie d’être au four et au moulin et ça me convient bien », nous dit Nicolas. « Nous ne sommes pas de ce microcosme-là, celui des médias, même si, au Ravi, ils sont en demande de retours, de critiques… » disent de leur côté Alain et Christine. « Après… s’il y a une influence « naturelle » des lecteurs organisés… tant mieux !  » tempère Nicolas.

Alors ils se sont engagés à monter cette association, à réunir des lecteurs motivés4 pour tenir des tables de presse, pour aider à organiser des concerts de soutien… Christine s’occupe d’enregistrer les abonnements dans le logiciel une demi-journée par semaine. Nicolas glisse des bulletins de réabonnement dans des enveloppes, « mais mon fantasme, c’est la vente à la criée ! » Finalement, leur modèle est proche de celui des Amap. Nicolas : « L’écologie politique commence à porter ses fruits. On commence à comprendre que pour bien se nourrir, il y a un prix. Pourquoi ne pas faire le parallèle avec l’information ? Pour avoir de bonnes infos, une presse indépendante, il faut aussi y mettre le prix. Tu choisis ton journaliste comme tu choisis ton paysan. » Votre canard, vous le voulez industriel ou artisanal ?


1 Les finances du Ravi sont grevées par 40 000 euros de dette, suite à la suppression soudaine de leur subvention du conseil général 13, présidé par Jean-Noël Guérini, qui, d’une boutade, s’était proposé pour racheter le journal.

2 Président de la Tchatche, l’asso qui édite Le Ravi.

3 Journaliste du même journal.

4 Pour les contacter : lesamisduravi@gmail.com.

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