L‘autre semaine, l’HVA a consacré sa couverture – puis quelques pages spécialement grotesques, même à l’aune de ce que produit habituellement cette publication – à : « Éric Zemmour, l’insoumis. » L’intéressé, rappelons-le, n’est plus resté, depuis le mitan de la première décennie des années 2000 – qui, donnant le ton de l’époque, fut comme on sait marquée par une (dé)multiplication quasi-quotidienne des débondages droitiers les plus outrancièrement arrogants, et ponctuée, par conséquent, par l’élection de M. Sarkozy, puis par l’élévation de M. Valls – sans intervenir dans les médias, tant écrits qu’audiovisuels, où ses incommodantes prestations lui valent des sinécures (parce que bon, c’est vrai que ça pue, mais ça dope l’audience, faut voir comme), et qui ont pour point commun, du Figaro à i-Télé, d’être des lieux de culture du conformisme le plus étroit, et de récitation des mantras du consentement à l’ordre libéral dans ce qu’il a de plus grossier.
De sorte qu’on peut être pris, quand on lit que le gars, pur produit de la dominance qui lui assure ses prébendes, serait un « insoumis », d’une irrépressible envie de s’esclaffer – tant c’est con. Mais ne pas oublier, tout de même, que cette pratique, toute orwellienne, est le procédé par quoi la « nouvelle » réaction [1] a étendu partout son emprise en l’espace d’une petite décennie – en répétant mille et mille fois, jusqu’à ce qu’il finisse par faire une vérité médiatique, l’odieux mensonge selon lequel le lâcher de vilenies phobiques dans l’espace public représentait l’alpha et l’omega de l’anticonformisme et de la « rébellion ».
Et retenir, itou – revenons à notre mouton –, que l’HVA excelle d’assez longue date (et au risque certain du radotage) dans cette discipline particulière où la décomplexion se mélange de quelques volumes de stalinisme, puisqu’au mois de juin 2010 déjà, il consacrait sa couverture, puis un (très burlesque) dossier à la promotion de « nouveaux insoumis » viscéralement rétifs aux « tabous de la pensée dominante », qui « [bravaient] les foudres du politiquement correct » : Alain Finkielkraut et (déjà, et surtout) Éric Zemmour.
Résumons : l’acmé de l’iconoclasme est selon Valeurs actuelles dans la récitation zemmourique de la doxa répugnante, portée aussi par les cliques sarkozystes et « socialistes » qui depuis dix ans gouvernent l’Hexagone, selon laquelle les immigré(e)s et les musulman(e)s posent de graves problèmes à la France de souche. Sous cette aune : ses responsables s’enfoncent toujours plus profondément dans le cloaque idéologique qui les fait hurler à « l’overdose » contre les Roms – contre lesquels d’énergiques traitements préventifs devraient donc être appliqués –, ou grogner, sur un mode où l’islamophobie le dispute au sexisme, que Najat Vallaud-Belkacem est « l’ayatollah ».
Dans le même temps, évidemment : ils récitent des cantiques thatchériens qui dessinent un univers où les bénéficiaires de prestations sociales sont des fraudeurs, cependant que les patrons débordent d’un altruisme ontologique d’une majesté jamais vue – et tout cela, additionné, vous a certes un petit parfum d’années 1930, avec aussi quelques effluves pinochétistes, mais il est vrai aussi que cette extrême droite journaleuse aurait grand tort de brider l’instinct qui lui fait ainsi dégueuler, semaine après semaine, des prêches crypto-lepénistes…
Puisque chaque année, l’État la nantit, au titre des aides publiques à la presse, de grasses subventions (plus d’un million d’euros dans les poches de la famille Dassault en 2013), que ces propagandistes hallucinés de la liberté d’entreprendre (dans le périmètre d’une nation mieux protégée contre les nomades à roulottes) bâfrent à grands coups de molaires – parce que bon, l’insoumission, d’accord, mais pas jusqu’au point, tout de même, où elle nous grèverait le porte-monnaie.