Le mégaphone des Balkans

Depuis 1998, Le Courrier des Balkans décrypte l’actualité de la région la plus pauvre d’Europe et donne voix à ses luttes – urgentes et nombreuses.

Sur la carte de l’Europe, une énigme. En proie à la pauvreté et la répression, après la pire guerre qu’ait connue le continent depuis 1945, les pays des Balkans restent opaques aux yeux de nombreux Européens de l’Ouest. Né au Monténégro en 1998 dans la foulée du mouvement anti-guerre (et depuis édité de France), le site Le Courrier des Balkans, pionnier des pure players francophones, décode les luttes politiques, sociales et environnementales de la région – de la Grèce à la Moldavie en passant par la Slovénie et l’Albanie.

Le boulot est d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui, la « communauté internationale » demande surtout aux Balkans de se faire oublier – quitte à soutenir les régimes autoritaires d’Aleksandar Vučić en Serbie et d’Edi Rama en Albanie, ou l’archipel ethno-kleptocratique qui se partage la Bosnie-Herzégovine. Misère, chômage, saccage de la nature, pollution, discriminations envers les Roms et les minorités sexuelles, urbanisme autoritaire, corruption, crise des réfugiés… Les raisons de se mobiliser ne manquent pourtant pas. Exemple en Bosnie, qui a dernièrement connu plusieurs mouvements sociaux : en 2014, le mouvement des plénums se lève contre le chômage et la pauvreté ; depuis 2018, des mobilisations, par-delà les frontières ethniques, demandent justice pour David et Dženan, un jeune Serbe et un jeune Bosniaque, tous deux tués dans des circonstances troubles mettant en cause la police. Ou en Serbie, où l’opposition a réuni des manifestations monstres en 2019 et 2020. Mais à chaque fois, les Occidentaux regardent ailleurs. La répression s’abat, les jeunes se découragent et émigrent en masse.

Depuis quelques mois, la tension (re)monte. Le régime mafieux de Milo Đukanović au Monténégro est tombé, comme celui du PDK, héritier de la guérilla albanaise, au Kosovo. Mais leurs successeurs se débrouillent maladroitement des tensions attisées par la Serbie. En Bosnie, le dirigeant serbe Milorad Dodik n’a jamais été aussi près de mettre à exécution ses menaces de sécession, tandis que les mineurs viennent d’entamer une grève massive.

Dans ce paysage, les médias locaux indépendants, très actifs dans les années 1990-2000, ont vu se tarir les financements internationaux. Ceux qui n’ont pas mis la clé sous la porte subissent procès et cassages de gueule de la part de nervis à la solde des partis au pouvoir. Le Courrier des Balkans n’échappe pas à ces tentatives d’intimidation. Début 2018, son correspondant à Belgrade est menacé d’expulsion ; l’année suivante, sa voiture prend bizarrement feu après être restée garée à Mitrovica, chef-lieu serbe du nord du Kosovo. La rançon, sinistre, d’un engagement sans faille du côté des populations des Balkans.

Laurent Perez
Facebook  Twitter  Mastodon  Email   Imprimer
Écrire un commentaire
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Cet article a été publié dans

CQFD n°204 (décembre 2021)

Dans ce numéro, un dossier « Santé connectée : le soin sans l’humain ». Mais aussi : des articles sur la traque des exilés à Briançon et des deux côtés de la Manche, une enquête sur le prochain référendum en Nouvelle-Calédonie, des dockers en lutte contre l’industrie de l’armement, une envolée médiatique vers les Balkans, des mouettes conchiant les fascistes...

Trouver un point de vente
Je veux m'abonner
Faire un don