Presse indépendante

Il est né le divin Marabout

Dernier arrivé dans la constellation des publications indépendantes, la revue Jef Klak1 ne fait pas dans la demi-mesure  : son premier numéro, « Marabout », fait 304 pages  ! Le Chien rouge a rencontré ces drôles d’oiseaux.

CQFD  : Salut Jef  ! Comment est née cette revue2 ?

Jef Klak  : C’était un processus long ! Ça fait deux ans qu’on travaille sur ce projet… Et on l’a bouclé cet été dans votre accueillant local marseillais. Au début, il y avait un tout petit groupe avec l’envie d’ouvrir un espace de discussion entre nous et avec des lecteurs à travers une revue. Mais on ne savait pas du tout comment serait cette revue. On a d’abord voulu créer un collectif qui puisse décider ensemble de ce qu’il voulait réaliser. Ça n’a pas toujours été facile, évidemment. A chaque réunion, nous étions de plus en plus nombreux  : des journalistes indépendants3, des libraires, des chômeurs, des avocats, etc. Tous bénévoles. Et ça a marché  ! Notre première satisfaction, c’est quand même d’avoir réuni un collectif d’une trentaine de personnes qui fonctionnent bien ensemble. Et c’est collectivement que nous avons décidé de la forme de la revue.

C’est-à-dire ?

D’abord le choix de la comptine «  Marabout, bout de ficelle, selle de cheval… » pour nommer les numéros. Le prochain, ça sera donc « Bout de ficelle » et il traitera du tissu. Puis après, « Selle de cheval », où on parlera du transport, etc. Ensuite, on a voulu que la revue soit ouverte à d’autres univers que le journalisme avec de la littérature, de la poésie. Puis s’est ajoutée l’idée de faire aussi un CD et un site Internet complémentaire. Une certaine volonté d’aborder la politique par la bande, moins frontalement que ce que certains connaissaient – critique de la technologie, de la répression, mais les questions sociales ou de genre.

Et c’est particulièrement visible avec le premier numéro, « Marabout  : Croire, pouvoir ».

Aborder les thèmes de la croyance, de la spiritualité, ce n’est pas facile car on a l’impression que ce sont des sujets réglés depuis longtemps par les « anciens » révolutionnaires de gauche  : critique de la domination de la religion « opium du peuple », des superstitions au service des puissants. On a voulu se laisser la possibilité de la naïveté, nous confronter à ces questions qu’on n’a plus trop l’habitude d’aborder. L’idée est venue d’abord de la comptine avec « Marabout », et d’une anecdote rapportée par une copine libraire  : une cliente lui disait qu’avec Amazon, elle aurait le livre commandé, dès le lendemain, comme par magie. Évidemment, il n’y a rien de magique là-dedans, mais une certaine organisation du travail et de la technologie. Donc on a voulu déconstruire cette « magie contemporaine », celle des choses dont on ne veut pas savoir comment elles marchent. Mais aussi repartir à la découverte des vertus de la « magie », remettre en valeur des pratiques et des pensées différentes du positivisme, du matérialisme. Explorer quelques pistes de réflexion politique, d’organisation sociale…

Par exemple  ?

Par exemple, l’article sur les groupes d’entendeurs de voix  : comment ces gens, qui entendent des choses qui n’existent pas rationnellement, peuvent s’organiser pour faire de ce que la science et la médecine psychiatrique désignent comme une tare, une force, une alliée dans leur vie quotidienne ? En gros, on s’est beaucoup intéressés aux zones grises entre rationalité et irrationalité – dont la séparation est d’ailleurs souvent déterminée par les représentants d’un savoir « officiel ». Par exemple, la proclamation des « vrais » miracles de Lourdes mêle avis scientifiques et intérêts de l’Église catholique. Ailleurs, ce sont des hôpitaux à la technicité de pointe qui font appel à des « guérisseurs » pour soigner de graves brûlures, sans comprendre ces pratiques. Et, dernier exemple, la sorcellerie, souvent vue comme une pratique archaïque, possède un pouvoir émancipateur extrêmement puissant. Ce qui nous intéresse, ce sont les imbrications entre différents modes de pensées et de pratiques, tout en ayant à l’esprit que les effets de domination (et de sape) sont très forts sur les pratiques considérées comme populaires, non scientifiques, non marchandes, etc. L’idée est de montrer comment tout cela cohabite.

Et le prochain numéro ?

« Bout de ficelle » sortira en avril. Il traitera du tissu  : du textile bien sûr, mais aussi du tissu urbain, du tissu organique… De la récup’ de fringues survalorisées aux questions de la chirurgie esthétique réparatrice, de comment l’expression « tissu urbain » apparaît, où et quand la communauté urbaine se détricote. Peut-on parler de mode vestimentaire avec nos positions politiques ? (Rires) On a encore pas mal de travail sur le métier à tisser  ! Et surtout – enfin on va tout faire pour ça – il y aura un article exclusif de l’excellent publiciste Julien Tewfiq. Mais j’en dis pas plus, ça sera la surprise.


1 Jef Klak est le Monsieur Tout le Monde flamand.

2 Marabout, n°1 de Jef Klak. 304 pages couleurs. En vente en librairie pour 16 euros depuis le 18 septembre.

3 Dont quelques plumes issues de nos colonnes.

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