Projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Zone de turbulences

Entre préparatifs contre les expulsions, vie quotidienne et répressions policières, les résistants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont connu, comme nous l’avions pressenti début juillet, un été plutôt chaud sur la Zone d’aménagement différé1 . Retour sur quelques bribes de luttes, avec ses petites victoires, ses difficultés mais surtout ses espoirs.
par Samson

Fin juin, ils n’étaient qu’une centaine à occuper le terrain face aux trois cents policiers, huissiers et serruriers venus faire le ménage sur les 1 225 hectares destinés à la construction du futur aéroport du grand Ouest, au nord de Nantes. L’occasion aura tout de même été belle d’expérimenter de nouvelles tactiques comme le lâcher de troupeau de vaches sur les gendarmes ! Mais, les 8, 9 et 10 juillet, ce sont des milliers de sympathisants qui se sont déplacés le temps d’un week-end à l’appel de l’ACIPA, l’asso locale contre ce projet pharaonique2. Même les édiles d’Europe Ecologie – Les Verts (EE-LV) en ont profité pour venir faire leur show électoraliste. « Ça a rassemblé du monde, des ZADistes sont venus avec une cuisine et d’autres ont pris la parole, mais ce qui est important pour nous, c’est que la position des habitants du coin vis-à-vis de l’aéroport a évolué », raconte Pierrick3, un occupant de la ZAD.

Car désormais, on n’hésite plus à dire « Vinci dégage ! » et Julien Durand, porte-parole de l’ACIPA de déclarer dans Ouest-France du 11 juillet 2011 : « Notre combat devra s’inscrire dans la non-violence, même s’il ne faut pas avoir peur de franchir la ligne de la pseudo-légalité. » Car c’est bien toute une politique de métropolisation et d’aménagement du territoire – où le pouvoir socialiste local et le bétonneur Vinci sont de mèche – que l’ensemble des opposants veut remettre à plat : « On parle ici d’un autre modèle de société, pas d’une lutte isolée de riverains luttant pour leurs propres intérêts », renchérit Julien dans Le Canard Enchaîné du 13 juillet dernier.

À travers des actions communes, les réunions ou encore via la ferme du Sabot, qui réunit un groupe d’occupants cultivant des légumes sur un hectare de terre4 , les ZADistes, paysans et autres associations d’habitants se rapprochent sensiblement. « Des paysans nous ont prêté du matériel agricole, on est aussi allés leur filer un coup de main à la ferme et puis certains d’entre eux viennent régulièrement boire un coup de rouge chez nous ! », raconte Hugo, un des « Saboteurs ». « Lors des réunions avec la coordination et les habitants locaux, la plupart ne nous considèrent plus comme des squatteurs mais comme des voisins à part entière », renchérit un ZADiste. Une jonction locaux-occupants qui reste cependant fragile, alors que les caciques de Nantes et sa région essayent de jouer la division à coup d’interventions policières brutales et de déclarations pétaradantes.

Ainsi, le 27 juillet, durant une manifestation festive au sein de l’aéroport Nantes-Atlantique, c’est un panel de tous les corps de la flicaille qui fait pleuvoir les coups de tonfas. Bilan : des interpellations et une mère de famille de 42 ans repartie avec quatre côtes brisées et une perforation pulmonaire. Le président de la région, Jacques Auxiette (PS), également président du syndicat mixte du futur tarmac, parle quant à lui « d’attaque de l’aéroport » et « d’un dérapage inacceptable ».

Et suite au procès du 17 août concernant les expulsions est lancée l’idée d’une manifestation fourches et outils en main « pour réoccuper la ZAD, y construire un espace collectif d’organisation et surtout pour dire à Vinci qu’on ne se laissera pas aménager de sitôt5 !  ».

Quelques jours plus tard, à Nantes, une caravane des primaires socialistes est taguée, avec pneus crevés et vitres cassées. Quatre personnes font quarante-huit heures de garde à vue tandis que le PS parle « d’agression odieuse », EE-LV (taguée également) « s’interroge sur les motivations de ces extrémistes » et Jacques Auxiette dénonce, dans Presse Océan du 23 août, « une zone de non-droit qu’il faut karcheriser ! »

Alors qu’un hélico survole à basse altitude la ZAD, la coordination des opposants (avec EE-LV) condamne l’action tandis que l’ACIPA déclare ne pas la défendre mais ne condamne pas. Et les ZADistes d’écrire sur leur tract : « La violence n’est jamais de leur côté quand une femme se fait tabasser. La violence n’est jamais de leur côté quand ils expulsent quelqu’un. La violence n’est jamais de leur côté quand ils nous disent comment on doit vivre. »

Ne pas se faire isoler par les clivages pacifisme versus radicalisme, légalisme contre illégalisme et par les échéances politiques, mettre en avant une diversité de pratiques de lutte et continuer à ne pas ménager les aménageurs… Voilà les enjeux de la lutte contre l’aéroport et son monde. « La zone reste ouverte durant les travaux ! » peut-on lire sur une banderole à l’entrée de la ZAD. À bon entendeur…


1 Pour les opposants, la ZAD est devenue la Zone à défendre (voir CQFD n° 91).

2 Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

3 Pour des raisons de sécurité, les prénoms ont été changés.

4 Le 7 mai 2011, à l’appel de Reclaim the Fields et des occupants, 1 000 personnes défilent fourches et faux à la main sur la ZAD pour défricher une parcelle d’un hectare en vue de l’installation d’un collectif de maraîchers sur les terres menacées par l’aéroport.

5 Plus d’infos à venir sur http://zad.nadir.org.

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