Où sont les femmes migrantes ?

La série documentaire sonore « Femmes et frontières » se penche sur un pan majeur, mais très peu visible, des mouvements migratoires.

« Si on montrait des femmes et des enfants qui débarquent sur une plage, l’idée ferait beaucoup moins peur que de montrer ce qu’on montre : des hommes qui débarquent – alors c’est sûr qu’ils viennent vous voler, vous violer, tout ça… » Impliquée au quotidien auprès de femmes exilées, la militante associative niçoise Nicole Scheck s’agace : « Mais en fait, où sont les femmes  ? C’est le cas de le dire. Où sont les enfants  ? Y en a autant. Mais donner cette image que le migrant est un homme jeune, fort, ça fait peur. Et on veut faire peur. »

Au commencement de leur série sonore « Femmes et frontières » (six épisodes d’environ un quart d’heure chacun), les journalistes Romane Frachon et Maud Calvès posent un constat chiffré. À l’échelle mondiale, d’après les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les migrantes représentent quasiment la moitié des migrants1. En Europe, elles seraient même un peu plus nombreuses que les hommes. « Et pourtant, remarquent les autrices du podcast, on ne les voit pas. » Ou si peu. Le premier épisode se demande pourquoi.

On préfère « montrer des hommes [...] qui ont l’air dangereux pour pouvoir se justifier de politiques migratoires éminemment violentes », estime la sociologue Elsa Tyszler. Autre hypothèse : l’auto-invisibilisation. Les femmes migrantes fuiraient les campements où se regroupent les hommes exilés. « Parce que c’est un moyen de protection », nombre d’entre elles chercheraient plutôt à passer inaperçues dans la foule des villes, à se fondre dans la masse en étant « plutôt bien habillées, avec une valise », comme l’explique Nadège Passereau, de l’association Agir pour la santé des femmes.

Les autrices le répètent : il y a autant d’histoires de migrations féminines que de femmes ayant quitté leur pays. Les cinq autres volets de « Femmes et frontières » donnent largement la parole aux premières concernées, mais aussi à des chercheuses, des travailleuses sociales et des militantes (les interviewé·es sont soit des femmes, soit des personnes transgenres). Au fil des épisodes, différents aspects du sujet sont abordés (les motivations de l’exil, les agressions sexuelles subies en chemin, le vécu spécifique des migrant·es trans…), avec un zoom sur le cas particulier du franchissement de la frontière franco-italienne. Rare et instructif.

Clair Rivière

Cet article fantastique est fini. On espère qu’il vous a plu.

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1 Le terme est à entendre ici au sens large : l’OIM définit comme migrant international « toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent » dans un autre pays. Ce qui renvoie à des situations extrêmement diverses.

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CQFD n°204 (décembre 2021)

Dans ce numéro, un dossier « Santé connectée : le soin sans l’humain ». Mais aussi : des articles sur la traque des exilés à Briançon et des deux côtés de la Manche, une enquête sur le prochain référendum en Nouvelle-Calédonie, des dockers en lutte contre l’industrie de l’armement, une envolée médiatique vers les Balkans, des mouettes conchiant les fascistes...

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