Chroniques portuaires

Nouadhibou, la ville des rêves échoués…

Nouadhibou, 2012 / Photo Yann Renoult

...Rêves brisés des exilés...

... dont le voyage s’arrête à Nouadhibou, trop souvent de manière tragique. Traqués depuis quelques années par les autorités chargées par l’Union européenne d’endiguer le flot humain, certains font malgré tout le pari d’une traversée incertaine en pirogue vers les Canaries, tandis que d’autres tentent de trouver un travail sur place, dans un pays où les familles maures contrôlent l’économie et le pouvoir politique. L’esclavagisme y touche encore jusqu’à 20 % de la population du pays d’après Biram Dah Abeid, fondateur de l’ONG Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, longtemps persécuté par l’État mauritanien. Alors qu’autrefois le statut d’immigré était le même pour tous, différence est faite à présent entre les émigrés de Mauritanie et ceux d’autres pays d’Afrique noire, divisant la population. Un centre de rétention a été ouvert au nord de la ville.

...Rêves échoués des pêcheurs noirs...

... principalement des exilés. Si autrefois la pêche a fait la grandeur économique de la ville, le secteur est aujourd’hui dévasté pour les locaux. Aux ordres des armateurs maures, ils doivent prendre de plus en plus de risques en haute mer, partant jusqu’à une semaine dans leurs pirogues traditionnelles en bois pour trouver du poisson, alors que les chalutiers-usines européens et chinois dévastent les ressources halieutiques au large des côtes, avec la complicité d’autorités corrompues.

Nouadhibou, 2012 / Photo Yann Renoult
...Rêve de grandeur...

... du projet de zone franche du gouvernement mauritanien, sans investisseurs et sans argent. Seules quelques entreprises, dont une usine à poisson étrangère, ont commencé à s’y installer, sans que la population locale ne profite vraiment des retombées économiques. C’est aussi à Nouadhibou que les cargos à destination de l’Occident remplissent leurs cales du minerai de fer extrait des mines de Zouerate, dans le désert. Une activité vitale pour le pays, et qui demeure la principale source d’emploi dans la ville, directement ou indirectement. Une retombée bien loin des profits réalisés par la SNIM, société d’extraction minière. L’activité économique et la position de carrefour de Nouadhibou attirent également toute une faune trouble de néo-colons, employés de Total, ingénieurs européens en mission, entrepreneurs chinois, militaires français, trafiquants (météorites, voitures, drogue...) à l’affût de nouveaux moyens pour piller un peu plus le pays.

Yann Renoult
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