Fierté en cachette
La Gay Pride de Marseille, prévue initialement le 16 juillet, a été reportée au 3 septembre pour des raisons de sécurité après l’attentat de Nice1. Mi-août, les principales associations organisatrices ont été convoquées par la préfecture et mises devant cette (non) alternative : la Pride LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bis, Trans, Queer et Intersexuées) sera statique, pas de marche, et pour le lieu ce sera soit derrière le MuCem, soit au parc Borély, soit au parc Longchamp. Par ailleurs, la sécurité sera gérée par les agents de surveillance des parcs et jardins.
Si quelques collectifs ont refusé de participer, la majorité d’entre eux ont opté pour Longchamp. Mais ils ne se doutaient pas que tout allait être fait afin d’invisibiliser la manifestation : une seule voie d’accès, pas de slogan peinturluré, pas de rainbow flag, juste des petits ballons de toutes les couleurs et une petite banderole « Pride 2016, être soi et penser l’autre ». Même les termes trans, lesbienne, gay, etc., ont étrangement disparu. Une fois à l’intérieur du parc, il fallait monter un grand escalier et passer un portique de sécurité pour déboucher sur une sorte de parc caché dans le parc, derrière un grand mur. Les convives étaient fouillés et nous étions séparés en deux files : une pour les hommes et une pour les femmes. La femme devant moi, transexuelle en transition, était inquiète de la réaction des agents des parcs et jardins.
Autre découverte : les bouchons de bouteilles sont interdits. En effet, la loi française interdisant de confisquer une bouteille d’eau (si une personne tombe dans les pommes elle serait autorisée à poursuivre celui qui lui a confisqué son eau), les vigiles fouillaient scrupuleusement nos sacs, non pas à la recherche d’armes, mais de bouchons.
Dans le parc, la buvette la plus visible est la buvette permanente, bien au centre, quand l’autre buvette, celle des orgas LGBTQI, était placée tout au fond. Dans cette honte statique, pas de slogans rigolos, pas de « provocations ». Juste des prises de paroles abstraites pour quiconque les aurait entendues depuis la rue. Cerise sur le gâteau : une politicienne prend la tribune pour féliciter les pouvoirs publics de la tenue de la Pride.
Au même moment se tenait à Marseille le festival « Septembre en mer » clôturé par la grande parade maritime du dimanche 4 septembre. Rempli d’allégresse, le communiqué officiel indiquait : « Vous avez une embarcation ? Alors, participez (gratuitement) à ce challenge ! » Pour les plaisanciers en goguette, aucune restriction, aucune limitation.
Ce serait d’ailleurs, selon certaines mauvaises langues peu au fait de la légendaire probité de la préfecture marseillaise, pour pouvoir affecter le maximum de moyens au festival que la Pride LGBTQI a été confinée. Même un simple malaise nécessitant une ambulance aurait réduit les moyens mis à la disposition des pauvres marins sans le sou. Une opération de confinement réussie : peu de gens sont venus et encore moins ont réussi à rester plus de 20 minutes.
1 Malgré l’interdiction, une marche lesbienne « sauvage » a tenté un départ avant de se faire stopper par les flics.
Cet article a été publié dans
CQFD n°147 (octobre 2016)
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Paru dans CQFD n°147 (octobre 2016)
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Mis en ligne le 15.03.2019
Dans CQFD n°147 (octobre 2016)