Contraception : ça vous tente les gars ?
L‘idée, ici, n’est évidemment pas d’aller dans le sens des malthusienNEs et des discours sur le « contrôle des naissances », mais, plutôt, de s’arrêter sur cet enjeu majeur du système patriarcal : la contraception et ses déclinaisons masculines méconnues.
Il s’agit de rendre l’information disponible. La meilleure contraception restera toujours celle qui résulte d’un choix éclairé des partenaires. Et d’abord, des femmes – premières concernées. La présentation de ces techniques pourrait peut-être éveiller des vocations… Mais il semble important de répéter que la prise en charge par les mecs de la contraception doit coexister avec une remise en question des privilèges masculins, et ce, y compris dans la sphère privée.
Dans les années 1980, l’Ardecom (Association pour la recherche et le développement de la contraception Masculine) était une fédération de plusieurs groupes de parole d’hommes pro-féministes, proches des milieux d’extrême gauche, qui a expérimenté des techniques de contraception masculineP1. Le temps du VIH et les aléas des collectifs ont suspendu temporairement cette aventure. Mais elle a repris il y a peu, autour du besoin de partage et de transmission de leur histoire. La bataille n’est pas gagnée pour autant ! Dans l’inconscient collectif, même après trente années de luttes féministes, il paraît encore évident que ce soit les femmes qui s’inquiètent des questions de contraception. Évident qu’elles bouffent des hormones pendant des dizaines d’années, s’équipent de stérilet et en subissent tous les « effets secondaires » et contreparties désagréables. Pendant que les gars, eux, ne se préoccupent que d’utiliser des préservatifs, et encore souvent, seulement pour les relations ponctuelles ou dans les débuts de relations plus stables… Cette « organisation » peut certes convenir à nombre de femmes, qui préfèrent garder la maîtrise de leur contraception. Mais on ne doit pas oublier qu’il y a d’autres possibilités. Et qu’elles méritent d’être connues et rendues accessibles.
Passons ici sur la vasectomie, solution définitive pour se protéger de la procréation, et à laquelle on peut recourir si on trouve un urologue pas trop pro-vie2. Mais regardons de plus près deux techniques dites « réversibles », issues des travaux de l’Ardecom, et qui sont aujourd’hui reconnues, et remboursées par la Sécu. Il y a la méthode hormonale, qui consiste en une injection intramusculaire de testostérone par semaine. La présence de cette hormone en quantité anormale vient inhiber la production des autres hormones, et finit par bloquer la formation de spermatozoïdes. Il y a des effets secondaires, certes. Mais essayez : ça vous donnera une idée de ce qu’il en coûte aux femmes depuis les années 1960…
Il y a aussi la méthode thermique. Il s’agit d’élever d’une manière prolongée la température des testicules (de deux degrés seulement). L’outil ? Un slip muni de bandes élastiques, et d’un anneau à l’avant, dans lequel on vient passer sa verge et son scrotum. On ne laisse ainsi pas d’autre choix à ses bollocks que de remonter à l’intérieur du corps, dans les canaux inguinaux, bien au chaud. Porté quinze heures par jour, la concentration de spermatozoïdes finit par chuter drastiquement. Et tout cela, sans douleur. Dans les deux cas, c’est au bout de trois mois que le médecin peut constater l’efficacité du « traitement », au moyen d’un spermogramme, et vous proposer de continuer. On est alors « contracepté », et c’est fiable jusqu’à l’arrêt de la technique (les piqûres ou le slip).
Vous l’aurez compris, ces méthodes supposent un suivi médical particulier et c’est bien ça qui fait défaut aujourd’hui : seuls deux médecins en France le proposent3. Espérons qu’un nombre croissant de candidats pour ces contraceptions viendra ébranler institution médicale et statu quo patriarcal. Qu’on puisse ainsi y recourir plus facilement. Qu’on se le dise !
1 our approfondir le sujet, voir notamment le site de l’association, « Le remonte-couilles toulousain » in Jef Klak n°2, et le film Vade Retro Spermato de Philippe Lignières.
2 Demandez donc conseil au planning familial de votre ville.
3 Les docteurs Roger Mieusset (à Toulouse, hôpital Paule-de-Viguier), et Jean-Claude Soufir (à Paris). Il est possible de suivre les traitements à distance une fois passés les premiers examens.
Cet article a été publié dans
CQFD n°134 (juillet-août 2015)
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Paru dans CQFD n°134 (juillet-août 2015)
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Mis en ligne le 09.04.2018
Dans CQFD n°134 (juillet-août 2015)