Self-défense
Candy monte au baston
« KRAV MAGA. Méthode de self-défense et de combat au corps à corps adopté par les unités de police israéliennes et le GIGN. Simplicité-efficacité- rapidité. » Sur les flyers qui tapissent les murs décrépis de la fac, les photos exhibent des gens qui se tapent sur la gueule : un homme a un flingue sur la tempe, un autre – qui tient une batte de baseball – se prend un pain. « Premier cours gratuit. » Ni une, ni deux, me voilà donc partie pour mon premier cours de free fight, version israélienne. Pierrot m’avait menti, il existe d’autres sports de combat que la sociologie.
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Tout de blanc vêtue (signe de paix oblige), je suis accueillie par Marjorie : « Tu veux apprendre la défense au sol ? C’est plus utile en cas de viol. » Le ton est donné. Dans le gymnase de l’école privée, à côté de la classe de chorale, une quinzaine d’aficionados de la lutte – en grande majorité des hommes – mime la castagne. À droite, à gauche, les coups pleuvent. Tous sont affublés de protège-genoux, protège-tibias, protège-c… . L’instructrice, Marjorie, est avenante… jusqu’à ce qu’elle me décoche une série de crochets qui s’arrêteront à un cheveu de mon nez. Elle m’enseigne des techniques basiques : choper le couteau de l’agresseur, lui crever les yeux et lui asséner un coup implacable dans les parties. Je m’entraîne sur une autre néophyte, Fanny, qui n’a jamais pratiqué que « de la danse classique et du yoga ».
Technique « antiterroriste », le Krav Maga était placé sous secret militaire en Israël jusqu’en 1964. Aujourd’hui, cette méthode, affiliée à la fédération de karaté, fait 2 000 émules en France – sans compter les quelques 400 membres du GIGN qui y sont entraînés. Mais ce qui rend le Krav Maga si différent des autres sports de combat, comme le judo, c’est bien l’absence de la moindre règle et, donc, de compétition : ici, tous les coups sont permis. Le Krav Maga, c’est pas « puissance catch », t’as pigé ! On ne joue pas à se faire mal, c’est du lourd. Et quand Tsahal donne des leçons de combat aux quidams, il y a de quoi frémir.
Jacques, l’instructeur le plus « haut gradé », arrive pour me corriger : trop mou, pas assez réaliste ! Dans un geste sec, il enserre sans ménagement ma partenaire et place le couteau en plastique sur sa carotide. « Et comme ça ? Tu fais quoi ? », lance-t-il en écarquillant ses yeux bleu délavé. Fanny tente de se dégager en écartant la lame. Ici, pourtant, pas de crânes rasés ni de bodybuildés, mais des « monsieur - et - madame-tout - le - monde » qui apprennent à faire face à une agression, dont ils ont parfois déjà été victime. C’est ce que Jacques explique froidement : « Agressions sexuelles, vols de sac à main, beaucoup de femmes apprennent le Krav Maga pour se défendre. » En ce qui la concerne, Frédérique, la cinquantaine, n’a jamais eu à utiliser cette technique guerrière qu’elle pratique depuis deux ans. Mais ça lui permet d’être « plus sûre » d’elle-même, de se passer de Charles Bronson et autre « justicier de minuit ».
La peur et la violence, donc, sont l’alpha et l’oméga du Krav Maga. Car si ces lutteurs font preuve de selfcontrol pendant les entraînements – j’en suis juste ressortie avec quelques bleus – il s’agit de se débarrasser illico presto de tout scrupule devant l’importun. « Réunis » par des techniques de combat communes, la maréchaussée et ces nouveaux Vandamme communient dans une même psychose de l’insécurité. Voilà de quoi rappeler à Candy que l’homme est un loup pour l’homme.
Cet article a été publié dans
CQFD n° 62 (décembre 2008)
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Paru dans CQFD n° 62 (décembre 2008)
Par
Illustré par Berth
Mis en ligne le 13.02.2009
Dans CQFD n° 62 (décembre 2008)