Il y a deux ans, Marco, un client mécontent, a ouvert un blog intitulé « Aidons Virgin » qui affiche aujourd’hui plus de 110 000 visites au compteur. À en croire les centaines de témoignages recueillis sur le site, le quatrième opérateur téléphonique français, filiale d’Omea Telecom, une société britannique qui commercialise aussi en France Breizh Mobile, Télé 2 Mobile et Casino Mobile, a bien besoin d’un coup de main. Facturations aléatoires et abusives (sur le blog, certains clients parlent de hors forfait de 1 200 euros générés en une soirée), factures étonnamment inaccessibles sur Internet (« Mais je ne comprends pas, dit le service client, d’ici ça fonctionne ! »), prélèvements multiples et non justifiés par une échéance, avec, au choix : « on change de sous-traitant en ce moment » (sous entendu, ça n’est pas de notre faute), « on a des bugs informatiques » (sous-entendu, ça peut arriver), « cela ne se reproduira pas » (ou pas)… Et une vraie difficulté à rembourser ses clients floués. Plus du tout détendus du mobile, les commentaires postés sur « Aidons Virgin » vont de la surprise à la colère : « Un hallucinant festival d’incompétence crasse et de foutage de gueule caractérisé », résume, furieux, un abonné.
En appui aux dires de ces clients un peu dépassés, un rapport publié par l’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt), souligne que les opérateurs virtuels, dont Virgin Mobile est le fer de lance avec ses 1,4 million d’abonnés, représentaient 6 % du marché en 2010 (9,5 % aujourd’hui) pour 17 % des plaintes recensées. « Leurs tarifs sont parfois 25 % moins chers, détaillait alors le président de l’association pour l’AFP, pour cela ils restreignent les marges et frais de gestion et s’occupent donc très mal du suivi de leurs clients. » « Virgin a un problème de sous-effectif, son travail est essentiellement axé sur la vente, il n’y a pas de service dédié à la prise en charge des litiges qui prendrait le relais du service clients, ajoute un spécialiste du secteur. Du coup, quand il y a un souci, il est difficile à résoudre »… Et se termine souvent via une société de recouvrement qui ne chôme pas, l’entreprise Recocash. L’opérateur aurait contre lui sa clientèle jeune : « Ils n’étudient pas assez leur contrat, ne s’intéressent pas aux petites lignes », plaide le spécialiste. Mais Virgin Mobile a quand même fait le choix de ne pas adhérer à l’Association médiation des communications électroniques (Amce), « label sécurité » qui regroupe 98 % des entreprises de ce secteur et dont la charte l’obligerait à créer ce fameux service consommateurs. Tout en donnant aux clients la possibilité de recourir aux services du médiateur. L’entreprise, difficile à joindre directement, n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.
« Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser l’entreprise Virgin Mobile livrée à elle-même », ironise Marco sur son blog. Contacté par e-mail, il refuse d’en dire beaucoup plus. Et semble même plutôt inquiet : « Ce qui n’était, au début, qu’une volonté de faire réagir et d’alerter modestement sur la toile, m’est apparu suite au nombre de visites engrangées, et aux pressions [subies], d’un tout autre niveau », écrit-il. « Si pour Orange, par exemple, un client est valorisé aux alentours de 1 600 euros, (environs trente mois d’abonnements), calcule ce que ça peut-être de faire perdre à ce genre de trust 100, 1 000, 10 000 clients », poursuit-il. En attendant une hypothétique action collective en justice, le bloggeur continue à jouer son rôle d’« électron trop libre ».
Avec l’arrivée prochaine de Free sur le marché de la téléphonie mobile, la « stratégie commerciale offensive » de Virgin – c’est lui qui le dit ! – est en train, elle aussi, de monter d’un cran. L’opérateur, qui ressemble déjà plus au grand méchant loup qu’au sauveur de bas de laine, annonce pour 2012 une offre « quadruple play » : Internet, téléphone fixe et mobile plus chaînes de télévision. On en tremble sur nos pattes !