Papouasie occidentale

Repères

Lorsque les Pays-Bas finissent par accorder l’indépendance à l’Indonésie en 1949, ils gardent dans leur giron la Papouasie occidentale, avec la volonté d’en faire un état autonome. Le futur pays est doté d’une constitution et d’un drapeau hissé pour la première fois en 1961, lors du premier Congrès papou. Mais Sukarno1 ne l’entend pas de cette oreille : l’Indonésie doit inclure l’ensemble des territoires colonisés. Dans un contexte de guerre froide et sous la pression des États-Unis, les Pays-Bas cèdent, en échange de la promesse de Jakarta d’organiser un référendum d’autodétermination.

En 1967, le général Suharto prend le pouvoir après avoir éliminé plus de 500 000 communistes et sympathisants. En mal de reconnaissance internationale et d’investissements, il s’empresse de signer un contrat avec la compagnie minière étatsunienne Freeport, pour l’exploitation d’un gigantesque gisement d’or et de cuivre en Papouasie occidentale, qui ne fait pourtant pas encore partie de l’Indonésie. Washington, de son côté, s’assure ainsi un fidèle allié anticommuniste en Asie du Sud-Est. Le référendum promis a lieu en 1969, mais les dés sont pipés : 1 026 électeurs, sélectionnés par Jakarta, votent sous la menace le rattachement à l’Indonésie. Pour ne fâcher personne, l’ONU entérine l’entourloupe et les Papous peuvent dire adieu à leurs espoirs d’indépendance.

Dès lors, Jakarta mène dans cette nouvelle province une véritable politique coloniale : violente répression militaire du mouvement indépendantiste, exploitation à outrance des ressources naturelles, investissements minimaux en ce qui concerne les infrastructures, l’éducation et la santé. L’armée et la police, coupables de nombreuses violations des droits de l’homme, entretiennent un climat d’insécurité qui justifie leur présence, leur permettant ainsi de poursuivre leurs business lucratifs : exploitation forestière légale et illégale, sécurité privée (pour Freeport notamment), vente d’alcool, prostitution.

Après la chute de Suharto en 1998, la pression se relâche quelque peu. Les manifestations se multiplient et, en juin 2000, un deuxième Congrès papou est célébré, réaffirmant que la Papouasie occidentale ne fait pas partie de l’Indonésie. Mais le « printemps papou » sera de courte durée : Jakarta envoie de nouvelles troupes et en novembre 2001, les forces spéciales abattent Theys Eluay, le président du Conseil de Papouasie. Le message est clair : les actes d’insoumission continueront à être impitoyablement réprimés. En 2004, Filep Karma, un activiste politique, est jugé coupable de sédition et condamné à 15 ans de prison pour avoir participé à une cérémonie de lever du drapeau papou. Malgré la terrible répression, la contestation ne faiblit pas : le 19 octobre 2011, le troisième Congrès papou restaure l’indépendance et la souveraineté de la Papouasie occidentale. À ce jour, aucun pays n’a reconnu le nouvel État et Forkorus Yaboisembut, le président élu condamné à trois ans de prison, est toujours derrière les barreaux.

Compte tenu de l’immigration massive en provenance de tout l’archipel, de la politique discriminatoire à l’encontre des Papous et des ravages du Sida et de l’alcool, la population autochtone croît à un rythme cinq fois inférieur à la population non autochtone. Alors qu’en 1971 les Papous représentaient 96 % de la population de la Papouasie occidentale, ils ne constituent plus que 48 % des 3 600 000 habitants recensés en 2010. En 2020, ils ne seront vraisemblablement plus que 30 %. La question du génocide est posée, un génocide lent2.

La suite du dossier, c’est par ici.


1 Sukarno, un des principaux chefs d’opposition à la colonisation hollandaise, déclare l’indépendance de l’Indonésie en 1945 et en devient le premier président.

2 tJim Elmslie, « West Papuan Demographic Transition and the 2010 Indonesian Census : Slow Motion Genocide or not ? » CPACS Working Paper n° 11/1, September 2010. Universitée de Sydney.

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