Cap sur l’utopie

Place au socialisme sexuel libertaire

Les livres dangereux pour les valeurs établies ne courent pas les Fnac. Mais Sexe, cosmos et utopie en est un.

Les livres dangereux pour les valeurs établies ne courent pas les Fnac. Et c’est net comme torchette, Sexe, cosmos et utopie de Patrick Samzun (Presses universitaires de Vincennes), dont je signalais déjà le mois dernier la puissance de feu séditieuse, en est un.

Il propose de « régénérer notre imaginaire sexuel » à la lueur des écrits hédonistes provocateurs de Diderot, Rétif de La Bretonne, Wilhelm Reich, Fourier. Soit jeter les bases d’un « socialisme sexuel libertaire » permettant à chacun d’assouvir ses vrais désirs, quels qu’ils soient, dans un climat délicieux d’incitation à la réalisation pratique des désirs de tous. À nous d’harmoniser ludiquement autant qu’il se puisse toutes les inclinations libidinales en nous gaussant des chausse-trappes, s’écrie l’utopiste. À nous de nous ouvrir à de nouveaux mondes amoureux n’excluant aucun possible.

Aiguillonné sans doute par des nectars appropriés, Patrick Samzun nous soumet ensuite un manifeste ébouriffant pour ce qu’il appelle « une politique sexuelle transambulatoire » 1, ventre de bœuf !, c’est-à-dire qu’il nous exhorte à la « gaieté utopique » instantanée. Ce qui, pris à la lettre, pourrait magnétiser cocassement les insurrections qui viennent.

Imaginons en effet comment serait perçue la France macronesque par les observateurs étrangers s’ils apprenaient qu’on est de plus en plus nombreux à s’envoyer littéralement en l’air sur les ronds-points, dans les meetings rebelles, les assemblées de grands débatteurs, en attendant d’y faire criquon-criquette avec le slip sur la tête sur les quais de métro, sur les Champs-Elysées ou sur les corps médusés de Christine Boutin ou de Philippe de Villiers.

C’est ce que les fuck-leaders yippies à la Jerry Rubin préconisaient dans les seventies à San Francisco : « Des millions de jeunes occuperaient la rue dans toutes les villes, dansant, chantant, se défonçant, faisant l’amour sur la chaussée ou sur les beaux tapis des palaces, brûlant leurs papiers militaires, foutant la chiasserie administrative aux chiottes, empêchant toute circulation. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle génération de trouble-fêtes. »

Jambon à cornes ! N’est-on pas un peu plus frileux dans les revendications d’aujourd’hui ?

Noël Godin

1 Entendre par là : qui fait bougrement bien dériver à travers les récifs.

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