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Libérons les terres !
« Ça fait un an qu’on mène des actions en France, personne ne nous écoute... » lançait désespérément le mois dernier un éleveur présent au Salon de l’agriculture. Au milieu des insultes et du stand du ministère de l’Agriculture saccagé, not’ bon François, comme à son habitude, se démarquait par sa phraséologie absconse : « En défendant l’agriculture, je défends toute la nation. »
Les crises du porc et du lait secouent la filière agricole depuis un an, enfermant les agriculteurs dans la spirale infernale du « dépenser plus pour produire plus ». La libéralisation grandissante des marchés agricoles conduit à une terrible équation : face à la compétitivité mondiale, il faut produire plus de volume pour baisser ses prix. Ainsi, dans l’Ouest du pays, les gros éleveurs laitiers ont déjà investi dans des outils de traite plus performants et ont surtout étendu leur surface agricole pour remporter ce nouveau front de la guerre économique.
Car à l’heure où CQFD met à disposition l’intégralité du dossier "Libérons les terres" publié en juin dernier, la question de l’accaparement des terres est plus que jamais d’actualité. Les crises agricoles en cours ne sont en effet qu’une des facettes de l’industrialisation à grands pas de l’agriculture. Cette marche forcée opère un double mouvement redoutable : un accaparement massif des terres agricoles pour produire toujours plus, verrouillant en même temps l’accès au foncier.
Ainsi, la moitié des terres cultivées en France sont désormais concentrées aux mains de 10 % des exploitants. À l’échelle européenne, la Politique agricole commune (PAC) continue à rémunérer les agriculteurs moins pour la qualité de leurs produits qu’en fonction du nombre d’hectares qu’ils possèdent, les poussant à l’agrandissement permanent.
De même, alors qu’en dix ans, un quart des agriculteurs a disparu en France, les démarches pour l’installation demeurent un parcours du combattant pour tout jeune paysan et aujourd’hui, seul un tiers des installations arrive à bénéficier d’aides publiques.
Face à cet accaparement des terres et à cette course à la productivité, de nombreuses luttes paysannes, syndicales ou autonomes ambitionnent de remettre en question la propriété privée de la terre ou de se réapproprier la production alimentaire. Ces luttes sont de moins en moins cloisonnées à la profession agricole et peuvent rassembler autant des jeunes paysans sans terre que des ruraux excédés par la bétonisation de leur territoire. Un terreau de résistances riches en imaginaires fertiles pour défricher de nouveaux rapports collectifs à la terre et s’émanciper d’un modèle agricole productiviste définitivement à bout de souffle.
Cet article a été publié dans
CQFD n°133 (juin 2015)
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Paru dans CQFD n°133 (juin 2015)
Dans la rubrique Le dossier
Par
Illustré par Benoit Guillaume
Mis en ligne le 24.03.2016
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