Il est devenu difficile pour cette frange de la population qui a toujours vécu grâce à l’exploitation par l’homme de l’homme, et donc beaucoup de la femme, de nier le bonheur, la liberté, le soulagement que le féminisme a permis d’apporter dans nos vies. Personne de sensé de nos jours ne peut prétendre revenir sur le droit à l’avortement, sur la possibilité d’avoir un compte bancaire à son nom, sur le droit de vote, etc.
Pour attaquer les droits des femmes, la meilleure méthode finalement, c’est de se dire féministe ! Seule une féministe estampillée comme telle par les médias peut se permettre de dire « bon, les femmes, vous êtes gentilles, ça commence à aller, faut pas non plus faire chier trop… »
On trouve deux exemples de ces figures patentées du féminisme « jaune ». La première est Élisabeth Badinter. Fille de Marcel Bleustein-Blanchet, le fondateur d’une grande agence d’enlaidissement du paysage et de colonisation mentale (Publicis), dont elle est l’actionnaire numéro un, Élisabeth Badinter doit sa fortune à la réduction du corps des femmes en objet sexuel sur panneau 4x3 [1]. Dans ces livres, notamment Fausse route (Jacob, 2003), elle attaque la prétendue « misandrie contemporaine » qu’aurait instaurée les féministes radicales, le couteau castrateur entre les dents. Républicaine avant d’être féministe, elle avait approuvé les lois anti-voile mais s’était érigée contre la loi sur la parité en politique qui introduirait une « discrimination » envers les femmes… cherchez l’erreur.
L’écrivaine Nancy Huston, avec moins de morgue, représente une autre de ces figures de l’upperclass qui contribue à saper par des techniques vicieuses la timide et difficile prise de parole des dominées. Canadienne installée en France, auteur de plusieurs livres comme Reflets dans un œil d’homme (Actes Sud, 2012), Nancy Huston plaît beaucoup aux médias. Dans ses livres elle attaque Beauvoir et la théorie des genres. Dans Le Monde, elle décrète que « déjà à la naissance […] filles et garçons n’ont pas les mêmes comportements », ce qui n’a pas manqué de faire bondir pas mal de monde [2]. Sur France Culture (« Hors Champ » du 25 mai) elle remet le couvert en prétendant qu’on ne peut pas être femme sans avoir d’enfants et que les hommes sont biologiquement constitués pour être attirés par des jeunes femmes fertiles de vingt ans…
Ces discours prétenduement féministes consistent à dire que la domination masculine est un concept vulgaire, simpliste, dépassé, que les choses sont plus complexes, qu’il n’est plus besoin de se battre, que les problèmes sont de l’autre côté de la Méditerranée, que chez nous il faut au contraire prendre soin des pauvres petits hommes terrorisés… fermez le ban.
Une seule réponse à ces tissus d’horreurs démobilisatrice : offrir des vacances sous les tropiques à leurs femmes de ménage puis condamner ces bourgeoises à passer le balai dans toute la superficie de leurs propriétés : gageons qu’elles n’auraient plus le temps d’écrire des livres. Ben quoi ? La méthode a marché pendant des siècles !